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Alida Maria SILLETTI

 

Introduction

 

 

 

Alida Maria Silletti
Università degli studi di Bari Aldo Moro
alida.silletti@uniba.it

 

Ce numéro thématique de Repères Do.Ri.F. est consacré aux discours autour de la pandémie : il vise à monter les connexions que cet événement, qui n’est qu’apparemment révolu, a engendré au fil du temps, et dont les conséquences pèsent même sur l’actualité de la fin de 2023 et des premiers mois de 2024.

Début 2021, dans le n° 24 de Repères Do.Ri.F. consacré à la pandémie et à ses « constellations discursives », Favart (2021 : en ligne) rappelait que la Covid-19 était « un déferlement viral, à l’origine de situations de crise », qui avait engendré une modification profonde de nos modes de vie, affectant de manière significative la sphère du discours, dans des espaces discursifs nombreux et variés, et que cela avait rendu les discours sur le coronavirus omniprésents. C’est toujours dans le même numéro que Moirand (2021), dans son essai d’ouverture, constatait que la Covid-19 s’est installée dans une temporalité longue, caractérisée par des « instants discursifs » (MOIRAND 2021 : en ligne) relevant de l’actualité médiatique et ne correspondant pas à la temporalité scientifique. Et encore, dans la postface à ce même numéro, nous-mêmes, nous constations (SILLETTI 2021a) qu’il était difficile d’identifier le début de la postpandémie, qu’il était peut-être possible de le situer au moment où des candidats-vaccins, et donc des vaccins, avaient vu le jour et avaient été injectés à une population empreinte soit de confiance à l’égard des institutions soit de méfiance, soupçonneuse vis-à-vis de leur injection et de leurs effets secondaires avant même de tester leur efficacité. Cette attitude discursive et polémique sous-tendait également celle que la population et l’opposition gouvernementale assumaient à l’égard des mesures qui étaient prises par les gouvernements des pays affectés par la pandémie, ainsi que des conseils scientifiques que les gouvernements de divers pays avaient nommés, à la hâte, pour faire face à la « guerre » contre « l’ennemi invisible » représenté par le coronavirus. Autrement dit, une métaphore filée (ROSSI 2015 ; PAISSA et al. 2021) à base guerrière (MOIRAND 2021 ; SEMINO 2021, entre autres) qui a été évoquée dans le discours tant médiatique que politique pour se référer à la pandémie. Et le foisonnement interdiscursif caractérisé par la multiplicité des genres de discours (MAINGUENEAU 1993 : en ligne), dont la pandémie a représenté le fil conducteur du débat, se poursuit également par le n° 25 de Repères Do.Ri.F. consacré au lexique de la pandémie (ALTMANOVA et al. 2022), soulignant les ressources linguistiques mobilisées afin de nommer un phénomène inédit, et par la réaction adoptée par les gouvernements de divers pays vis-à-vis de l’urgence pandémique à partir des premières allocutions prononcées par les responsables des gouvernements (AMOSSY, WAHNICH 2022). Celles-ci ont été étudiées dans un numéro thématique d’Argumentation et analyse du discours réunissant les articles de spécialistes qui partent d’une même circonstance : le premier confinement, ayant eu lieu entre début mars et le printemps 2020, selon les pays, « afin de voir comment, en un moment particulièrement sensible, [les dirigeants de différents pays démocratiques] […] tentaient de construire dans leur discours la légitimité et l’autorité nécessaires pour édicter des mesures destinées à freiner la pandémie » (WAHNICH 2022 : en ligne) en vue d’obtenir reconnaissance et obéissance de la part de la population dans un moment de crise. Par ailleurs, il est inédit que le monde ait été confronté au même enjeu, à la même époque, au fur et à mesure que la propagation de l’épidémie avançait, et que les gouvernements de chaque pays aient dû faire face à cette urgence sanitaire (ibidem). À cette conjoncture événementielle on peut ajouter une conjoncture « scientifique » plus générale, qui intéresse même le présent numéro, par laquelle, au sein des sciences du langage, des linguistes, des terminologues, des spécialistes en communication et des analystes du discours de toute origine et de toute approche scientifique ont décidé d’étudier ce phénomène en termes linguistiques, discursifs et argumentatifs au même moment, pour l’aborder sous les facettes de la néologie terminologique, des médias, de la communication, de la politique, de l’argumentation, ouvrant toujours des pistes nouvelles pour mieux connaître, au fil des mois, un événement et une situation discursive qui étaient auparavant inconnus. Bref, « ce moment apparaît […] comme un exemple unique pour la recherche en sciences humaines et de manière plus particulière pour l’analyse du discours et de l’argumentation » (WAHNICH 2022 : en ligne).

C’est ainsi sur cette richesse d’études préalables que repose le présent numéro thématique, qui se veut le résultat de recherches qui s’inscrivent dans le prolongement d’un événement scientifique international autour de la crise de la Covid-19 qui a eu lieu le 1er et le 2 décembre 2022 auprès de l’Université de Bari Aldo Moro (département de Sciences politiques) : le colloque LinC Linguaggi della crisi/ Les langages de la crise entre virus et politique. Les recherches issues de cette conférence – dont ce numéro ne représente qu’une partie de celles-ci – s’inscrivent ainsi non seulement dans la ligne droite de cet événement scientifique mais aussi, plus en général, dans la suite des travaux en sciences du langage qui ont abordé des discours autour de la pandémie, déclencheurs de crises et dont la pandémie ou pour lesquels la pandémie a été la « scénographie » (MAINGUENEAU 2015).

1. La pandémie, moment discursif déclencheur de crises

Face à l’étendue des publications consacrées à la pandémie de coronavirus en sciences du langage, dont nous n’avons esquissé que quelques traits à partir d’exemples d’approches qui adoptent ou s’inspirent de l’analyse du discours de tradition française (ADF) – d’autres, dans le cadre de l’analyse du discours, suivent l’approche de l’analyse critique du discours anglosaxonne, dont nous rappelons, à titre d’exemple, Semino (2020), Wodak (2021), Catenaccio et al. (2023), et d’où Mayr, Konecny (ce numéro) s’inspirent pour leur contribution –, le moment est venu de parler de l’actualité de la pandémie début 2024, lorsque ce numéro voit le jour. Si cet « instant discursif » (MOIRAND 2021) peut nous sembler désormais éloigné, voire dépassé, il ne faut pas en sous-estimer la portée. En effet, il n’est isolé ni en termes de crises sanitaires internationales, du fait que, comme Charaudeau (ce numéro) le rappelle, il « s’inscrit dans l’histoire des crises sanitaires qui ont émaillé le monde » et qui ont caractérisé l’Europe, dont la grippe espagnole (MOIRAND 2021), ni en termes de conséquences. C’est pourquoi nous estimons que la pandémie de Covid-19, qui fait encore l’objet d’un numéro thématique de revue en 2024, est un événement déclencheur de « moments » et d’« instants » discursifs divers, qui sont relayés par le discours médiatique traditionnel (MOIRAND 2021) et numérique par le biais, entre autres, des réseaux sociaux.

Mais la crise du Corona est également un élément déclencheur d’autres crises qui y sont liées de manière plus ou moins directe et qui sont à la fois connectées, dans le contexte du début des années Vingt du XXI siècle, tant à la postmodernité et aux crises qu’elle génère depuis la chute du Mur de Berlin – une crise de la communication, de la vérité, du savoir, de confiance (CHARAUDEAU 2020) – qu’à d’autres crises. Nous nous référons notamment aux crises géopolitiques mondiales, parmi lesquelles la crise climatique, la guerre en Ukraine depuis 2022 et, depuis octobre 2023, la crise et le conflit armé entre Israël et le Hamas, et à une perception qui en diffère selon « les rapports que les populations entretiennent avec l’autorité, le mode de fonctionnement du pouvoir politique, les imaginaires en rapport avec la liberté, le savoir, la science, la loi » (CHARAUDEAU ce numéro). Il en résulte, comme Charaudeau le relève en 2020 dans La manipulation de la vérité. Du triomphe de la négation aux brouillages de la post-vérité, même avant que les conséquences de la pandémie ne soient entièrement comprises, une manipulation de l’opinion, par rapport à laquelle

un ensemble de discours – dont il est difficile d’établir une chronologie dans la chaîne de causalités, et de vérifier, à chaque instant, la validité – […] arrive de façon fragmentée et dispersée aux yeux et aux oreilles d’un public lui-même hétérogène. (CHARAUDEAU 2020 : 85)

C’est de cette hétérogénéité de discours, qui touche des genres, des pays, des gouvernements et des opinions différents, que le présent numéro voudrait rendre compte par le biais des onze contributions qui le composent, que nous présenterons au paragraphe suivant à partir, entre autres, des types de savoir (CHARAUDEAU 2020) et des ethos (MAINGUENEAU 2022) qui y apparaissent.

2. Présentation du numéro

Les contributions du numéro sont introduites par l’essai d’ouverture de Charaudeau (En temps de crises sociales. Des manipulations volontaires ?), qui s’avère être le fil rouge des thèmes, des discours et des genres de discours qui sont abordés par les différents articles qui le constituent, dont la présentation suit un ordre thématique. Nous avons choisi de répartir les dix articles en trois sous-sections que, au-delà des interférences et des connexions réciproques dues à l’interdiscursivité qui les caractérise, il serait possible de distinguer selon la voix de la parole institutionnelle, de la parole politique et de la parole médiatique, respectivement, lesquelles ont leur cible privilégiée dans le grand public et donc dans l’opinion citoyenne. Hormis l’essai de Charaudeau, les articles adoptent comme cadre théorique de référence soit l’ADF soit d’autres méthodologies. Rappelons, à cet égard, toujours dans le cadre de l’analyse du discours, l’analyse critique du discours anglosaxonne (CDA) pour l’article de Mayr, Konecny, ainsi que, même pour ce dernier article et pour celui de Occhipinti, la linguistique italienne et la linguistique computationnelle, respectivement, tandis que Serrone se sert d’une approche terminologique dans son étude sur corpus de la crise climatique inscrite dans la crise pandémique à partir de la voix de la parole politique représentée par Emmanuel Macron. Encore Preite adopte-t-elle la théorie du dialogisme pour examiner les stratégies discursives de la communication institutionnelle et scientifique du gouvernement français dans le site Information coronavirus, alors que c’est la linguistique française par rapport aux verbes modaux qui a fait l’objet de la méthodologie adoptée par Käsper pour son étude sur un corpus médiatique examinant la communication journalistique en temps de pandémie, et la sociolinguistique et les analyses de Goffman qui sont exploitées par Tempesta, Rollo. Ce sont en revanche les articles de Favart, de Tarquini, de Silletti et de dos Santos Nunes et al. qui adoptent de manière plus directe l’ADF comme cadre théorique de référence, à la fois appliqué à des situations discursives différentes – la communication institutionnelle de la ville française d’Annecy, la locution « prendre soin » dans le contexte belge, la campagne de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022 en France, les commentaires à l’encontre du vulgarisateur scientifique brésilien Atila Iamarino, respectivement.

Un élément qui est commun tant à l’essai d’ouverture qu’à l’ensemble des articles est représenté par l’inscription de chaque thème abordé dans les discours autour de la pandémie, pour reprendre notre titre. D’où notre conviction que la pandémie a déterminé l’apparition d’autres crises, au point de représenter leur « scénographie » (MAINGUENEAU 2015), et qu’il s’agit d’un moment discursif générateur de crises – comme le montrent, au-delà de l’article de Serrone sur la crise environnementale, celui de Silletti relativement à la campagne présidentielle de 2022 de Marine Le Pen et celui de Tempesta, Rollo sur la parole médiatique et citoyenne à l’égard du personnel de santé en France et en Italie.

Les articles de ce numéro ont été rédigés en trois langues romanes : hormis le français, l’italien est employé dans deux cas et, pour un seul article, la langue utilisée est le portugais brésilien, autrement dit les langues représentant des pays – la France, la Belgique, l’Italie, le Brésil – qui ont davantage intégré les acquis de l’ADF.

L’essai d’ouverture de Patrick Charaudeau, En temps de crise sociale. Des manipulations volontaires ?, peut être considéré comme le point de départ du parcours discursif qui est abordé dans ce numéro. L’auteur part de la question, qui revient implicitement dans les autres contributions, de savoir si, comme dans toute situation de crise sociale, cette crise peut faire l’objet de manipulations par une partie de la société et, pour cela, de comprendre les intérêts qui sont en jeu à partir de toutes les parties prenantes. Ces forces s’affrontent à partir de l’acte de langage et donc de la parole : d’où l’analyse de ces domaines de la parole et des individus qui la portent. Est ainsi posée la distinction entre « parole politique », « parole scientifique », « parole médiatique » et « parole citoyenne », correspondant à la gouvernance politique, aux savoirs des spécialistes, aux réactions citoyennes et au rôle des médias. Cette répartition ouvre idéalement la voie aux trois sous-sections du numéro, à savoir la communication de la crise de la part des institutions ; les enjeux politico-argumentatifs relevant de la communication politique ; la représentation de la crise à partir des médias, tant traditionnels que numériques.

La campagne de communication d’une administration française de proximité, la Mairie d’Annecy, à l’égard de la population administrée, par le biais d’affiches qui sont collées dans la ville pour renseigner la population et les touristes sur les mesures à adopter pendant des phases diverses de la pandémie, fait l’objet de l’article de Françoise Favart. L’étude énonciative et sémiotique des aphorisations présentes dans les affiches, opérée dans le cadre de l’ADF, permettent à l’auteure d’en examiner les composantes linguistiques et discursives dans les relations qui émergent entre le sujet énonciateur et ses destinataires et par rapport à leur contexte d’inscription. Au bout de son analyse, pour laquelle sont également comparées les affiches d’autres villes françaises, il émerge que l’institution adopte une posture attentive à l’égard de sa population.

C’est toujours la communication institutionnelle, dans sa tentative de se rapprocher d’une population qui est souvent soit désemparée à l’égard de la pandémie soit méfiante vis-à-vis du pouvoir politique et des institutions, qui est examinée par Chiara Preite. Son analyse de la section Informations coronavirus du site web du gouvernement, qui est utilisée pour renseigner la population, montre que par ce portail les institutions répondent à leur responsabilité sociale à l’égard de l’instance citoyenne. L’objectif est de porter à sa connaissance les recommandations et les précautions à assumer face à la situation sanitaire et médicale. Ce sont donc les stratégies communicatives des sujets rédigeant ces informations, autrement dit le gouvernement français qui met en avant l’autorité de ses sources relevant d’un savoir expert, qui sont étudiées en vue de faire comprendre le cadre énonciatif de rapprochement et d’engagement du gouvernement en tant qu’énonciateur à l’égard de la population.

C’est, d’une manière plus générale, la communication institutionnelle et administrative en langue italienne et par rapport à l’Italie qui est examinée par Laura Occhipinti dans le cadre de sa recherche doctorale. Une analyse quantitative à partir d’un corpus collecté ad hoc, Cov-I-Cor, composé de textes officiels sur les vaccins et sur les passeports sanitaires, vise à montrer si les institutions et les administrations italiennes respectent l’impératif de présenter une communication qui soit efficace et appuyée sur des sources fiables. Le phénomène de l’« infodémie » est ainsi au cœur des questionnements qui sont posés par l’auteure, qui préconise la nécessité de rédiger des textes plus compréhensibles mais aussi d’utiliser des sources officielles.

La deuxième sous-section, consacrée aux enjeux politico-argumentatifs de la communication politique, s’ouvre par l’étude de la locution « prendre soin » dans le contexte politique belge de la crise sanitaire, lors du gouvernement de Sophie Wilmès. Pour cette analyse, qui s’appuie sur l’ADF, Valentina Tarquini montre que l’emploi de « prendre soin » par la Première ministre belge en fait une formule qui assume le caractère d’un slogan recelant un contenu affectif, dont la répétition et la popularisation ont engendré aussi bien des variantes que des phénomènes de défigement. De cette analyse qualitative appuyées sur des déclarations et des tweets relayés par S. Wilmès, il émerge que cette dernière affiche un ethos de crédibilité construit sur l’empathie et sur la valorisation de la sollicitude.

C’est toujours la communication politique, mais qui est appliquée au contexte italien de la pandémie, qui est étudiée par Paul Mayr et Christine Konecny à partir d’une sélection de discours prononcés par le président de la République italien, Sergio Mattarella, et par deux Premiers ministres, Giuseppe Conte et Mario Draghi, à des phases différentes de la crise de coronavirus. Par une approche qui prend en compte les formes et les structures morphosyntaxiques qui pourraient être identifiées comme caractéristiques du discours pandémique, cette étude vise à démontrer les effets persuasifs qui sont générés par certains éléments et catégories morphosyntaxiques, dont les périphrases verbales progressives, les phrases parenthétiques et des structures argumentales spécifiques.

Les stratégies politiques et argumentatives adoptées pour persuader l’opinion citoyenne sur les bienfaits d’une action et sur le déni d’actions antagonistes font également l’objet de l’analyse de quelques aspects saillants de la campagne électorale de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022 en France, par le biais du slogan « Sans lui » et de sa circulation discursive, en plein contexte de crises – non seulement pandémique. Par rapport à la campagne électorale de Marine Le Pen, qui est dirigée à l’encontre de son antagoniste, le président sortant Emmanuel Macron, à partir d’une méthodologie inscrite dans l’ADF, Alida M. Silletti examine l’« appel au peuple » en tant que principale stratégie de captation de l’écrilectorat, les réponses de ce public, sous forme de vidéos ou de messages, et leur mise en circulation au sein de tweets publiés dans le profil Twitter SansLui.

En poursuivant l’analyse du contexte politique français en temps de crises, l’article de Gabriella Serrone s’intéresse à l’environnement – et à la crise environnementale – en tant que pilier de la relance de l’économie et du soutien de la durabilité tout au long de la crise pandémique. Pour cette recherche sur corpus appuyée sur des discours officiels du président de la République française, l’attention est focalisée sur le « langage vert » d’Emmanuel Macron en termes terminologiques. Celui-ci tire son origine des connexions entre la cause environnementale et les mots de la politique, et des transferts terminologiques du discours écologique au discours politique, en vue de déceler les occurrences des termes et des expressions de ce langage et d’évaluer ses implications en discours.

La troisième sous-section de ce numéro thématique porte sur le rôle des médias, tant traditionnels que socio-numériques, en tant que relais de discours émanant de paroles diverses.

L’analyse quantitative que Marge Käsper mène sur un corpus de presse française (Le Monde et Le Figaro) à partir du mot-clé « Covid-19 » au cours de 2020 vise à étudier l’emploi des verbes modaux français « devoir » et « pouvoir » pour évaluer les contraintes et les possibilités d’agir de divers sujets qui interviennent dans la crise. Son attention est notamment focalisée sur les sujets nominaux et pronominaux de ces verbes ainsi que sur les verbes à l’infinitif que les premiers introduisent. Au bout de son étude, il émerge que la gestion de la crise en 2020 en France a été caractérisée par une action gouvernementale par rapport à laquelle la population a montré une attitude passive.

C’est en revanche le traitement comparé que le web et les réseaux sociaux français et italien en ligne font du personnel de santé en période de pandémie qui fait l’objet de l’article de Immacolata Tempesta et Alessandra Rollo, qui examinent un corpus collecté à partir d’actions anti-Covid qui sont mises en œuvre entre 2020 et 2022. Leur dénominateur commun consiste, toutes sources confondues, en une approche émotionnelle envers le personnel du monde hospitalier, qualifié de « soignant » plutôt que de « sanitaire », par laquelle celui-ci est représenté de deux façons opposées par le biais d’une approche sociolinguistique : il est soit applaudi pour les efforts déployés dans le combat contre le coronavirus soit discriminé, voire considéré comme potentiellement porteur de contagion, et attaqué à cause de sa participation à la campagne de vaccination menée par les gouvernements des deux pays.

Enfin, l’article rédigé par Dieila dos Santos Nunes, Eduardo Glück et Maria Eduarda Giering, basé sur l’analyse du discours numérique à partir de l’ADF, vise à identifier les outils technodiscursifs sous-tendant des formes de cyberviolence discursive qui sont utilisées dans des commentaires sur Twitter adressés à l’encontre de Atila Iamarino, un vulgarisateur scientifique brésilien. Au bout de l’analyse qualitative conduite, il émerge que la violence cyberdiscursive y est manifestée via l’envoi de propos injurieux contenant un lexique à la portée axiologique négative et des constructions syntaxiques pourvues d’un contenu de dénigrement.

2.1. Une configuration de savoirs antagonistes …

La présentation générale des contributions du numéro permet donc d’insister sur la variété de genres de discours et de protagonistes qui interviennent dans les discours autour de la pandémie. En effet, au sein de l’espace public, la pandémie de Covid-19 a vu s’entrecroiser divers discours émanant de sources diverses (CHARAUDEAU 2020 : 85). Si les responsables des gouvernements ont fait confiance en la voix des spécialistes de domaines scientifiques différents, de l’épidémiologie à l’immunologie, en passant par l’infectiologie et la microbiologie, ce sont les personnalités politiques qui ont elles-mêmes prêté le flanc aux discours sur la pandémie, s’accordant pour telle ou telle autre position à l’égard de la gestion de la pandémie et de la campagne de vaccination. Ces deux voix se sont en outre mêlées à celle d’une opinion publique initialement désemparée, mais qui a pu par la suite prendre position pour les arguments défendus par les parties en cause. Et encore, ces trois voix sont entrelacées avec celle des médias, qui sont même tenus de donner voix et de rapporter la voix des trois autres instances. Or, chacune de ses voix sous-tend, via le langage, des visions du monde, des systèmes de pensée, des savoirs et tout ce qui permet aux individus de construire leur identité (CHARAUDEAU 2020 : 9-10). Puisque le savoir « se construit à travers le langage, dans et par le langage » (CHARAUDEAU 2020 : 23), il relève du « réel » mais il est également lié aux représentations sociales. Celles-ci, qui constituent un mode de connaissance du monde qui est socialement partagé, engendrent des imaginaires qui sont porteurs de savoirs et révélateurs de l’inconscient collectif et de la culture (CHARAUDEAU 2020 : 25). Ainsi, les discours qui sont porteurs de savoirs sont également porteurs d’imaginaires, constituant une proposition de vision et représentation du monde via une activité intersubjective. Cette représentation génère des univers de pensée qui sont investis de savoirs en tant qu’affect – pathos –, en tant qu’image de soi – ethos – et en tant qu’argument rationnel – logos. Si ces univers résultent, comme Charaudeau (2020 : 27) le remarque, d’une combinaison entre raison émotionnelle, raison imaginante et raison raisonnante, respectivement, les savoirs sur le monde dépendent de la façon dont le sujet se positionne par rapport à son acte d’énonciation et lui permettent de relever la source de ces savoirs. Lorsque cette source repose sur le savoir commun, on aura affaire à un « savoir de croyance » ; lorsqu’elle repose sur le savoir de la science, il y aura un « savoir de connaissance ». Ainsi, cette « connaissance » résulte de représentations construites par le langage, dont la « vérité » devrait exister au-delà de la subjectivité du sujet, qui n’en est que le porte-parole, par le biais d’une parole de vérité absolue issue de la science – « savoir savant » – ou de la transcendance – « savoir de connaissance » (CHARAUDEAU 2020 : 28).

Rapportées aux discours autour de la pandémie des contributions de ce numéro thématique, le « savoir savant » issu de la science, qui est présenté au grand public comme savoir prouvé et indiscutable, est celui des spécialistes que les gouvernements de certains pays, dont la France et l’Italie, rassemblent au sein de conseils scientifiques ad hoc – Charaudeau (ce numéro) fait l’exemple du Comité scientifique du Covid-19 français – en vue d’éclairer, par la science, la situation épidémiologique, dont la parole sert de référence scientifique et la validité est assurée jusqu’à preuve du contraire. C’est ce savoir, qui peut même être accompagné ou relayé par la voix d’un sujet-vulgarisateur, comme le montre l’article de dos Santos Nunes et al. par rapport au vulgarisateur scientifique brésilien Atila Iamarino, qui est remis en cause par une opinion méfiante des avis de ces conseils, qui sont surtout adressés aux instances de pouvoir et mis en place par le pouvoir public (CHARAUDEAU ce numéro). C’est pour autant également par le biais d’un « savoir savant » que s’exprime la « parole politique » (CHARAUDEAU ce numéro) émise par les responsables politiques des pays démocratiques concernés par la crise pandémique – dont Favart et Preite donnent un aperçu par rapport au cas français, Mayr, Konecny par rapport au cas italien et Tarquini à l’égard du cas belge. Quant aux « savoirs de révélation », qui peuvent se confondre avec des savoirs de croyance – sans pour autant l’être –, leur source est extérieure au sujet mais leur vérité n’est ni prouvée ni vérifiée. Puisqu’elle engendre une adhésion totale du sujet par un mouvement irrationnel et un discours dépourvu de toute remise en cause, elle concerne tout discours qui s’institue en discours de vérité absolue, y compris les idéologies (CHARAUDEAU 2020 : 30).

Ce qui distingue les « savoirs de croyance » des savoirs de révélation repose sur des évaluations et sur des jugements que le sujet porte sur les événements, des individus, des comportements à partir du regard de ce dernier, inhérent à ce dernier et relevant de sa subjectivité. Ce savoir n’est donc pas vérifiable et le sujet s’impose dans ce cas sur le monde pour le décrire ou pour y porter des jugements. Si dans le premier cas on a affaire à un « savoir d’expérience », qui construit des explications sur le monde sans aucune preuve, à partir d’une perception qui se veut universelle, dans le second on aura affaire à des « savoirs d’opinion », lesquels relèvent d’un jugement personnel ou collectif en termes de valeur à propos d’un savoir possible (CHARAUDEAU 2020 : 32). Ce sont ainsi les « savoirs de croyance », surtout sous la forme de « savoirs d’opinion », qui font l’objet de l’argumentaire de Marine Le Pen dans l’article de Silletti vis-à-vis des raisons pour lesquelles il faudrait voter pour cette candidate à l’encontre d’Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2022. Et c’est ce type de savoir qui peut même se confondre et être volontairement confondu avec un prétendu « savoir de révélation », comme Marine Le Pen le fait à l’égard de la gestion de la pandémie de la part du gouvernement (SILLETTI 2021b) ainsi que pour défendre la liberté de chaque personne et de toute catégorie de ne pas se faire vacciner (SILLETTI ce numéro). C’est toujours d’un savoir d’opinion qu’il est question dans la manière de se rapporter à et de juger le personnel de santé dans l’article de Tempesta, Rollo de la part de non spécialistes qui ont émis des jugements de valeurs et pris parti, contribuant à alimenter des controverses sur l’origine du virus, sur la gestion de la pandémie et sur les méthodes thérapeutiques à utiliser (CHARAUDEAU ce numéro). Dans ce domaine de savoirs de croyances, se pose également l’enjeu de l’« infodémie » et de la transmission de rumeurs et d’informations dont les sources sont non officielles et non fiables, comme le montre Occhipinti dans son article sur les stratégies pour rendre la communication institutionnelle claire, simple et fiable.

Il s’ensuit donc une tension entre savoirs de connaissance et savoirs de croyance qui émerge des articles de ce numéro, à laquelle nous allons ajouter celle qui s’instaure à partir de l’image que les sujets donnent d’eux-mêmes à l’égard de leurs destinataires.

2.2. … et d’ethos divers

Maingueneau (2022 : 173) rappelle que, davantage que d’autres concepts en sciences du langage, l’ethos suscite un intérêt grandissant, puisqu’il concerne le monde contemporain et fait l’objet de tout type d’activité discursive, au sein de l’énonciation, et de tout genre de discours et de tout corpus d’étude. Cette conception de l’« ethos » est plus restreinte que celle qui est abordée par d’autres spécialistes, dont Amossy (2021), qui émerge des travaux de Maingueneau sur l’ethos dans l’ADF et dans le cadre d’un angle d’observation inscrit dans l’énonciation. S’appuyant sur la rhétorique, Maingueneau rappelle que l’ethos permet de façonner la personne qui parle mais qu’il engendre aussi toujours une tension entre le sujet qui parle et ses destinataires car leurs intérêts peuvent diverger. C’est ainsi grâce à une conception de l’ethos dans le discours qu’il est possible, pour cet auteur, d’identifier, en termes pragmatico-énonciatifs, différents ethos qui prennent tous en charge l’énonciation et que nous essaierons de présenter en les rapportant aux articles de ce numéro. Il émerge, de la distinction entre éthos « dit » et ethos « montré », que nous avons affaire, dans les deux cas, à un éthos « discursif », lequel si, dans le premier cas, relève de ce que le sujet locuteur dit sur lui-même ou sur sa façon de parler, dans le second, correspond à ce qui se montre dans l’acte d’énonciation et ce qui est inhérent à celui-ci sans qu’il soit explicité par le sujet locuteur. Ce sont ainsi des ethos discursifs surtout sous la forme d’ethos montrés et moins souvent sous celle d’ethos dits qui apparaissent dans les articles du numéro. Il en est ainsi de l’ethos des personnalités institutionnelles et politiques, à savoir Emmanuel Macron, Sergio Mattarella, Giuseppe Conte, Mario Draghi, Sophie Wilmès, mais aussi de Marine Le Pen, dans les articles de Serrone, de Mayr, Konecny, de Tarquini, de Silletti, respectivement, tout en signalant parfois également la présence d’ethos dits – la situation familiale annoncée par Mme Wilmès pour sa démission dans l’article de Tarquini et le « langage vert » d’Emmanuel Macron dans l’article de Serrone en témoignent, entre autres. Mais c’est, à l’inverse, aussi à l’encontre d’E. Macron que son ethos « montré » est utilisé par Marine Le Pen et par ses soutiens lors de la campagne de cette candidate pour l’élection présidentielle de 2022. Comme Maingueneau (2022) le souligne, il est cependant possible que l’interprétation que le sujet locuteur donne de l’ethos diffère de ce qui est dit ou montré mais qu’elle relève de représentations qui précèdent l’énonciation et qui l’influencent de manière importante. C’est alors d’un ethos « prédiscursif » ou « préalable » qu’il sera question, par lequel des statuts institutionnels ou des images stéréotypées peuvent venir contribuer à conférer une certaine image au sujet locuteur qui est visé, différant selon les sujets qui l’interprètent. Ce sont alors surtout des ethos discursifs mais surtout prédiscursifs qui apparaissent à partir de l’instance médiatique, là où une tension émerge, comme Käsper le souligne, entre ce qui peut faire l’objet d’une contrainte, d’une possibilité ou de l’intentionnalité à partir de l’instance politique et sous la plume de l’instance médiatique, ou bien, par rapport à l’article de Tempesta, Rollo (la perception du personnel de santé) et de dos Santos Nunes et al. (le vulgarisateur scientifique brésilien Atila Iamarino), respectivement. Pour autant, à vrai dire, c’est également d’ethos prédiscursifs qu’il est question vis-à-vis d’autres personnalités politiques, surtout lorsque ce rôle est rempli par des femmes. Ainsi l’image de Sophie Wilmès dans l’article de Tarquini est-elle également et a priori et avant même qu’elle ne le dise et ne le montre celle d’une femme, d’une compagne et d’une mère de famille qui prend soin de ses enfants, de son mari, de sa famille et, in extenso, de son pays, justifiant d’une certaine manière le cliché de la femme gardienne de la famille, avant d’être une personne chargée d’une profession prestigieuse et d’envergure – l’un des « imaginaires dystopiques » (CERETTA 2021) que la pandémie a contribué à alimenter. Par ailleurs, l’ethos prédiscursif est le propre, plus en général, de tous les individus les plus connus qui figurent dans les articles du numéro, au-delà de la possibilité que cet ethos soit par la suite confirmé par l’ethos discursif. Il en est ainsi du gouvernement français et de ses membres en fonction de leur statut institutionnel, comme Charaudeau le montre à l’égard de la parole politique, mais aussi de la figure de Marine Le Pen, principale antagoniste à E. Macron lors de l’élection de 2022 en France et femme politique issue d’un parti d’extrême droite et empreinte d’une rhétorique populiste qui est confirmé par son ethos discursif (SILLETTI ce numéro). Il en va de même pour le président de la République italienne S. Mattarella et pour les Premiers ministres italiens G. Conte et M. Draghi (MAYR, KONECNY ce numéro), gardant leur rôle institutionnel et leur réputation fonctionnelle (MAINGUENEAU 2022). C’est encore un ethos « intrinsèque » (MAINGUENEAU 2022 : 12) qui apparaît par rapport à toutes les personnalités qui sont évoquées dans les articles, surtout s’il s’agit de femmes, étant donné que cet ethos relève du corps du sujet locuteur à côté de son dire et de sa monstration. C’est ainsi et toujours dans une activité productrice de signes que l’éthos d’un individu est encadré par rapport au genre de discours et donc à la « scène d’énonciation » (MAINGUENEAU 2022 : 13).

Si la tripartition de l’éthos en discursif, prédiscursif et intrinsèque relève généralement d’un individu, il peut y avoir également des ethos qui relèvent d’une typification établie à partir de comportements langagiers, d’habitudes locutoires qui sont le propre d’un groupe, rassemblé autour d’une même profession, d’une culture partagée ou d’une catégorie sociale. L’ethos « collectif » d’un groupe vise à montrer que ses membres font partie de la communauté à laquelle ils ont adhéré et par laquelle ils veulent être reconnus. Des exemples d’ethos « collectifs », voire d’ethos « multilocutoire » par rapport à une parole qui est unanime, relèvent des soutiens à Marine Le Pen et de l’opposition contre E. Macron dans l’article de Silletti, mais aussi des jugements de valeurs, voire des discours de haine qui sont adressés contre le vulgarisateur brésilien Atila Iamarino dans l’article de dos Santos Nunes et al. De même, il émerge un ethos collectif vis-à-vis de la représentation que les médias font de l’opinion citoyenne, bien qu’elle soit hétérogène, par rapport à l’emploi des verbes modaux dans l’article de Käsper.

À l’autre extrême, enfin, on a affaire à des cas d’« effacement d’ethos », voire d’ethos « décorporé », lorsque le sujet locuteur semble vouloir effacer sa présence dans le cadre du genre de discours dans lequel il s’inscrit. Tel est le cas des genres de discours contraints, comme les lois, les articles scientifiques, les rapports d’experts, à titre d’exemple, par le biais d’un transfert de la responsabilité de l’énonciation à cette instance abstraite d’où le sujet locuteur tire son autorité (MAINGUENEAU 2022 : 31). Cette situation n’est pas rare dans les articles du numéro : il s’agit de l’administration de la Mairie d’Annecy dans l’article de Favart, qui impose des consignes à la population montrant un ethos « de guide » dans une image de fermeté empreinte de bienveillance, mais aussi du gouvernement français qui, dans l’article de Preite, adopte une forme d’autorité tantôt impersonnelle tantôt experte à l’égard de la citoyenneté.

Par conséquent, encore une fois, il émerge une tension entre ethos différents, voire antagonistes, qui relèvent des sujets locuteurs, des discours et des genres de discours qui justifient leur apparition.

Conclusion : la pandémie, moment discursif d’un fait de crise en évolution

Pour conclure, nous voudrions revenir sur la dernière partie du sous-titre de ce numéro, notamment sur la pandémie en tant que fait de crise en évolution.

Si une crise se poursuit dans le temps, il est possible que, de par sa circulation discursive, sa répétition, ainsi que sa perception auprès de la population, engendrent une banalisation des discours de crise, arrivant même à justifier et à rendre ordinaires des mesures, même juridiques, qui relèvent de l’exceptionnel et parfois d’un déni de démocratisation – le paradoxe de « l’exceptionnel normal » (PÂQUET 2021 : 7). C’est ainsi que dans l’urgence des mesures ont été adoptées par les gouvernements des pays frappés par la pandémie et que dans la nécessité et dans la contrainte ces mesures ont été imposées à une population impuissante face à la propagation du virus – en témoigne, entre autres, l’article de Käsper (ce numéro). Pour autant, des mesures qui peuvent apparaître justifiées à un certain moment en raison de l’urgence sanitaire peuvent ne pas être ressenties comme telles par des parties de la population ainsi que par une opposition politique au gouvernement adoptant ces mesures considérées comme non respectueuse des libertés de tout le monde. Se pose ainsi le problème qui est lié aux libertés et aux contraintes de la population dans une démocratie (CHARAUDEAU ce numéro), mettant en jeu l’opposition même politique entre une droite appelant aux libertés de chaque personne et une gauche qui penche pour un État protecteur. Tel a été le cas des confinements et, par la suite, des vaccinations et des passes sanitaires que les gouvernements de divers pays ont introduits tout au long de la pandémie. Et c’est à partir de ces mesures que, par réflexe, des mouvements protestataires ont manifesté leur opposition, appuyés également par des partis surtout d’extrême droite – tel est le cas, à titre d’exemple, de la France tout comme de l’Italie – appelant la population à les combattre. Leurs discours soulignent non seulement un mécontentement vis-à-vis de ces mesures et du gouvernement mais aussi des oppositions qui peuvent manifester de la haine directe ou dissimulée à l’égard tant du personnel sanitaire que du gouvernement et des infectiologues, dont la consultation de la part de la politique en tant que « logique pragmatique » (CHARAUDEAU 2022) s’est avérée indispensable surtout dans les phases aiguës de l’urgence sanitaire. Ainsi, les discours autour de la crise, dont témoigne ce numéro thématique, sont le résultat de « domaines de parole » différents : le domaine de la parole politique, le domaine de la parole scientifique, le domaine de la parole médiatique et le domaine de la parole citoyenne (CHARAUDEAU ce numéro).

Il émerge ainsi, à partir des contributions de ce numéro, qu’il est possible « d’établir une cartographie des discours en temps de crise sanitaire en décrivant les domaines de parole, les acteurs qui en sont les porteurs, les questions qui font l’objet de débats publics, les types de discours dominants qui se font entendre dans l’espace social » (CHARAUDEAU ce numéro). Et, comme le même auteur le rappelle au cours et à la fin de son analyse, il est possible de montrer – et de confirmer – « comment toute grande crise sociale engendre parallèlement d’autres types de crise, principalement, une crise du savoir dans la relation entre la population et les instances scientifiques, et une crise de confiance de la population vis-à-vis du pouvoir politique » (CHARAUDEAU ce numéro).

 

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[1] Les liens hypertexte ont été vérifiés à la date du 5 avril 2024.


 

Per citare questo articolo:

Alida Maria SILLETTI, « Introduction », Repères DoRiF, n. 29 – Discours autour de la pandémie : configurations interdiscursives et diatopiques d’un fait de crise en évolution, DoRiF Università, Roma, aprile 2024, https://www.dorif.it/reperes/alida-maria-silletti-introduction/

ISSN 2281-3020

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