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Danielle LONDEI

 

La “distance” en mouvement et en mutation permanente.

Repenser cette notion en didactique du plurilinguisme

 

 

Danielle Londei
Università di Bologna, Professore Alma Mater
Direttrice rivista “Repères-Do.Ri.f”
danielle.digaetano@unibo.it


Résumé 

Cet article propose de repenser la notion de “distance” en clef plurilingue et didactique, à partir de trois parcours illustrant cette thématique : la verbalisation, la didactique à distance, la sociodidactique. 

Abstract

This article proposes to rethink the notion of “distance” in a plurilingual and didactic perspective, from three paths illustrating this theme: verbalization, distance learning, socio-didactics.


 

Introduction

En ouverture de ce Colloque “L’Odyssée des langues. La distance dans les dynamiques du plurilinguisme”, hors des circuits académiques, donc sans les habituelles contraintes formelles, ouvert à quelques incursions dans d’autres domaines, pour finalement revenir à l’objet qui nous occupe, je voudrais affronter la notion de “distance” dans sa pluralité, par un biais disciplinaire étendu, ne serait-ce que pour nous sensibiliser aux multiples entrées possibles autour de ce terme. Le but de ces quelques incursions est de souligner que l’environnement, les contextes, les lieux de définition ou d’observation pourront nous aider à ne pas nous précipiter vers des options prédéterminées ; bref, nous sommes en présence d’un objet complexe à définition variable.

Un possible raccourci aurait pu être d’illustrer d’emblée cette notion en partant de la définition de “distance culturelle” – proche ou lointaine –, qui nous aurait conduite, par exemple, vers l’Afrique, cette “Afrique fantôme” comme la nommait Michel Leiris. Mais j’ai opté de transiter par le roman scientifique de Denis Guedj en guise d’introduction sur le principe de la narration illustrant deux cas spécifiques des choses du monde de l’histoire humaine : la mesure de la circonférence de la terre et l’établissement mathématique du mètre de mesure.[1]

Dans d’autres lieux du savoir, il y a des distances qui ne peuvent se prêter facilement à être mesurées avec précision, car elles relèvent de critères subjectifs. C’est, par exemple le cas de ce que l’anthropologue américain Edward T. Hall a appelé dans un célèbre essai “La dimension cachée”, à propos de la communication proxémique, qui désigne l’utilisation de l’espace et de la distance entre les corps des individus pendant qu’ils communiquent en présence selon des conventions socio-culturelles prédéterminées.[2]

Ces quelques points d’horizon sont assez subjectifs pour nous sensibiliser au fait que nous affrontons ici une notion vaste, fuyante et ambiguë, qui appartient à de nombreuses disciplines comme la géographie, la géométrie, les mathématiques, la sociologie, l’anthropologie… Les grands penseurs du passé étaient des penseurs “globaux” – souvent autant philosophes que savants – tandis que de nos jours triomphent la spécialisation disciplinaire et les catégorisations spécifiques qui nous conduisent fatalement vers un espacement sévère entre les disciplines, vers des barrières très souvent infranchissables. Il faut “résister au présent” comme le suggère Deleuze, résister à la vitesse que développent les nouveaux savoirs et imposer ses propres lenteurs pour se laisser le temps de la réflexion autour des grands thèmes qui sont en train de modifier nos perceptions du monde.

Nous nous devons de nous interroger, pour ce qui nous concerne, à partir des sciences de la culture, sur comment la pensée, l’histoire, la culture des “autres”, les vicissitudes que l’Occident européen a traversé émergent sur les distances et les lieux partagés ou contestés qui nous imprègnent. Ce long circuit est nécessaire pour prendre en compte les distances sous-jacentes au plurilinguisme en Europe. Ce pari est soutenu par la conviction que “tout se tient”, que certaines lignes de force transversales véhiculent nos vies, selon les époques, qu’elles s’influencent mutuellement. Pour s’en convaincre, il suffit de nous reporter aux grands moments de notre passé, comme la Renaissance, l’Encyclopédie, mais aussi aux grandes découvertes de la science et des techniques, à la Découverte des nouveaux mondes, à la diffusion de l’imprimerie, à la Révolution industrielle… Ajoutons, que l’on pourrait également citer des exemples dont les influences partagées négatives seraient tout aussi probantes, comme les guerres, l’esclavage, le colonialisme, l’attentat aux langues minoritaires….

Voilà donc posée la justification en faveur de l’interdisciplinarité pour avancer dans notre propos, en formulant l’espoir que cette manière de procéder ne soit pas considérée “hors de propos”! Laissez-moi ajouter que depuis longtemps j’ai acquis la conviction que toute problématique dans notre champ ne pouvait être prise en considération que si elle était affrontée de plusieurs points de vue, mieux encore, de manière pluri- et interdisciplinaire. A l’appui, je rappelle que toute recherche, de manière générale, mais surtout celle dite “scientifique”, a souvent produit des découvertes en empruntant des chemins alternatifs à ceux qui sont habituellement préconisés. A l’ère de l’ultra-spécialisation, il est temps de recommencer à visiter des pensées comme celles d’Edgar Morin, de Michel Foucault, de Claude Lévi-Strauss, pour ne pas encourir le danger de regarder   avec une certaine myopie les grandes questions qui avancent et dont le plurilinguisme, qui nous occupe, représente un point important car il est au coeur des échanges, des dialogues, de la communication humaine.

Enfin, il est deux éléments en amont des questions que nous affrontons : celui de la complexité et de la fluidité de la communication linguistico-culturelle. Ces deux aspects ont été amplement débattus, disséqués de la part de nombreux auteurs et nous contenterons de citer Edgar Morin et Zygmunt Bauman. Inutile de s’y attarder.

1. Pratiques de classe/conceptualisation à partir de la verbalisation

Je centrerai mon attention à partir d’un biais didactique pour affronter notre problématique de la distance, comme notion omniprésente mais fuyante en même temps, dans le processus de formation du praticien et du didacticien.

Confronté aux transformations profondes dans les relations entre les sociétés, les langues et les cultures, l’enseignant de langue(s) se trouve dans la nécessité de développer une réflexion propre sur les implications de la perception de la distance (en présentiel et en distanciel), afin de construire une didactique de plus en plus flexible selon les contextes d’enseignement-apprentissage, mais aussi les nouvelles finalités éducatives qui se relaient selon les moments et les circonstances où il est amené à opérer. Ainsi pour prendre un exemple d’une situation réelle, on peut affirmer que la mondialisation de la pandémie Covid 19 a changé la donne des processus d’enseignement-apprentissage ces deux dernières années, ce qui nécessite de faire un bilan du système éducatif concernant en particulier l’enseignement à distance (DAD). Il apparait clairement et légitimement qu’il faudra, de manière systémique, repenser et identifier des concepts, des notions et des pratiques qui seraient spécifiques à la didactique des langues. Comme toujours, il faudra rechercher un équilibre entre le pôle de formation à l’enseignement et celui de la théorisation de la recherche.

Prenons comme point de référence le rapport obligé entre l’enseignant et le chercheur et remarquons que, souvent, on doute de la capacité réelle d’une interaction efficace et constructive entre l’action menée en classe par l’enseignant et la conceptualisation méthodologique qui pourrait en dériver, car on a plutôt tendance à considérer que la trajectoire à appliquer devrait être toujours inversée. Or, si nous partons de l’observation de la pratique de terrain (la classe) et de la consécutive synthèse rapportée à partir de la verbalisation opérée par l’enseignant, on peut y voir une possible réduction de cette distance entre les deux acteurs, l’enseignant et le concepteur méthodologique. A partir de cette démarche conceptuelle, on est en droit d’attendre que le discours et les approches produisent des outils didactiques nouveaux, moins abstraits, plus directement applicatifs, éventuellement en empruntant à des disciplines voisines qui iraient enrichir la didactique des langues.

Dans cette optique, les démarches didactiques à distance menées durant cette dernière période pandémique, et successivement la verbalisation de ces actions, peuvent fournir des données stimulantes vers un renouveau méthodologique ciblé sur des types spécifiques d’enseignement-apprentissage.

La double démarche qui se réalise : – terrain(classe)/verbalisation/réflexion/propositions méthodologiques/nouvelles applications en classe –, devrait conduire à une profonde révision des enseignements-apprentissages. Pour le philosophe Jacques Schlanger (2010), les idées ont une double propriété d’être événements mentaux et énoncés ; donc la question de fond que nous posons est : les verbalisations des enseignants qui restituent les actions menées en classe, les hésitations et les sentiments vécus, peuvent-ils faire émerger de nouvelles conceptualisations susceptibles d’être récupérées et formalisées méthodologiquement de la part des concepteurs du fait même de leur caractère parfois problématique (pensées disloquées, sensations fugaces, interruptions et cheminements de la pensée, fragments de langage) ?

Pour Schlanger, certaines de nos idées nous viennent de notre monde intérieur, un « flot mental » qui s’impose à nous. D’autres naissent d’une « stimulation externe » (la parole d’un interlocuteur, une lecture, un spectacle…) qui fait jaillir des idées et nous conduit à agir autrement. C’est là un déroulement assez proche de ce qui se passe en classe. La verbalisation, « distance restituée » de l’action enseignante, sert à mettre en discours une pensée ou une action et, par ce dispositif, encourage un acteur social à revenir sur une action déjà accomplie et à en produire un commentaire. La verbalisation n’est pas naturelle, elle ne se fait que parce que sollicitée – par l’institution ou le chercheur – et correspond à un parcours d’aller-retour de l’action et de la pensée de l’enseignant : ce que nous pourrions appeler la « pensée enseignante en action ». Il ne s’agit donc pas d’une « réplique » de l’action de l’action originaire mais d’une “relation” faite successivement : c’est la manière dont les acteurs se représentent leurs propres actions qui est porteuse de sens.

Le sociologue Bernard Lahire (2005) constate à propos des entretiens avec les enseignants sur leur action pédagogique, qu’on est frappé par leur aspect apparemment déconstruit : on observe des passages rapides d’un thème à l’autre, d’une phase à l’autre sans justification apparente. C’est là un phénomène qui nous renseigne sur l’action multimodale de l’enseignant ayant à traiter plusieurs éléments en même temps, illustrant le caractère imprévu, imprévisible, propre à toute action.

Malgré une certaine marge d’incertitude due au processus observé, on retient que des concepts et des conceptualisations existent dans la littérature des sciences humaines, en philosophie, en sociologie, en didactique des langues. Dans ce dernier domaine, ils vont permettre de canaliser, décrire ou penser de façon inédite ces phénomènes liés à l’action, et donc aider à appréhender des formes didactiques nouvelles répondant aux nouveaux objectifs qui apparaissent.

Dès lors, adopter une démarche se basant sur une posture réflexive permet au praticien de revenir sur son expérience, de la nommer en partie, d’en explorer les multiples facettes. Puis, il verbalise cette action accomplie, ce qui n’est pas une pratique ordinaire : l’enseignant produit un discours nouveau pour lui à propos de ce qui s’est passé dans la classe. Le chercheur, quant à lui, en dialogue avec l’enseignant, se trouve ainsi placé au cœur du processus de l’enseignement. Son rôle étant alors de tenter de trouver une logique dans l’action décrite, des mots ou des notions pour « fixer » ce qui est essentiellement en mouvement : l’expérience a d’abord besoin d’être « dite », et ensuite « traduite » en schèmes logiques d’action, points forts, traits caractéristiques. Il reste à savoir si cette description de quelque chose en acte, qui est surtout « mouvement » et « processus », peut déboucher sur la création de notions et de concepts. C’est donc le praticien placé devant son action, mis sur le chemin de la réflexivité qui initie ce travail de conversion vers la conceptualisation, que doit poursuivre et compléter le chercheur. Ainsi, les concepts en didactiques peuvent prendre origine dans l’expérience et ils viennent ensuite, en retour, la nourrir et l’enrichir en fournissant aux enseignants des « mots pour le dire » et aux chercheurs des données pour poursuivre leur quête. Un parcours s’accomplit qui vise à réduire les distances entre la théorie et la pratique ; dans ce cas, entre la verbalisation d’une pratique, la conceptualisation de celle-ci et le retour sous forme de prise de conscience de la part l’enseignant sur sa manière d’opérer en classe.

2. La “distance” dans la formation à distance

Le terme « distance » mobilisé dans le contexte de la formation est polysémique par nature. Cette notion a souvent servi pour différencier les dispositifs de formation fondés sur le principe de la séparation spatiale et temporelle de formateurs, tuteurs et apprenants. L’étude des processus de mise en usage de certains dispositifs montre qu’ils impliquent de multiples proximités spatiales qui définissent le territoire de l’action du sujet. Geneviève Jacquinot, en 1993, dans un intéressant article intitulé « Apprivoiser la distance et supprimer l’absence ? ou le défi de la formation à distance » propose une catégorisation en six classes : les distances spatiales, temporelles, technologiques, socio-culturelles, socio-économiques et pédagogiques, que nous pouvons compléter par les distances cognitives et pragmatiques. Il est entendu que la distance cognitive est liée à la capacité de compréhension des contenus et la distance pragmatique à la capacité de mise en application des théories et de formalisation de problèmes concrets.

Toutes ces distances expriment un « écart » qu’aucune métrique ne peut à ce jour définir, mais dont chacun reconnait qu’il ne doit pas être trop important, au risque que les relations qui unissent les acteurs et le savoir, soient trop éloignées pour qu’une communication puisse s’établir et le projet de formation se réaliser. La « présence dans l’absence » apparait comme l’une des composantes de l’efficience des dispositifs numériques ; elle relève davantage de la mise en lien, de relations entre les différents acteurs (formateurs, apprenants). Au demeurant, il s’agit de comprendre comment les pratiques médiatisées concourent à ces processus de reliance qui assurent à la fois l’implication de l’apprenant et la mise en cohérence et en convergence d’espace-temps sociaux fragmentés, reconnues comme propices à la réalisation d’un projet de formation. On pourrait hasarder qu’il s’agirait d’une nouvelle forme d’approche proxémique, cette fois « à distance virtuelle »…

Nous proposons donc un changement de paradigme passant de la notion de distance qui sépare à celle de proximité qui relie. Notre postulat est que la mise en usage d’un dispositif socio-technique, qui articule des activités d’enseignement-apprentissage à distance, relève de proximités multiples entre les acteurs. Ces proximités participent au développement, chez les bénéficiaires de ces dispositifs, d’un sentiment de faisabilité de leur projet, d’appartenance et de sécurité ontologique, propices à leur engagement dans le processus de formation

Ce positionnement initial, cet agir communicationnel, permet à chacun de s’entendre avec l’autre, de façon à interpréter ensemble la situation et de s’accorder mutuellement sur la conduite à tenir et ainsi, se situer à la « bonne distance ». Cette bonne distance, cette distance proximale serait à la fois celle qui relie et celle qui est nécessaire à la distanciation des acteurs pour affronter un processus réflexif afin d’élaborer le projet de formation et de planification des actions à mettre en œuvre pour le concrétiser.

 Pourquoi la distance pose-t-elle, aujourd’hui comme hier, de nombreuses questions ? Où va la distance ?

Une première réponse serait que les institutions éducatives conventionnelles, dans certaines circonstances (par exemple, lors de la pandémie de ces deux dernières années), ne peuvent plus assurer une formation en présentiel en raison d’un empêchement spatial et/ou temporel des acteurs impliqués. A partir de là, le déploiement des technologies reconfigure les frontières traditionnelles de l’acte pédagogique et celles-ci agissent comme vecteur d’accroissement spatial, de réduction temporelle et de densification sociale.

Dans ce cas, cette notion porte le dessein d’une centration sur l’apprenant, à la fois en termes d’apprentissage et de participation. Toutefois, cette notion reste ambiguë car elle libère tout autant qu’elle contraint. Elle libère l’apprenant des contraintes spatiales et parfois temporelles, mais cette liberté suppose qu’il ait la capacité de trouver sa propre organisation spatiale, temporelle et sociale, compatible avec les contraintes collectives de la classe virtuelle d’appartenance ou acceptable de la part de l’enseignant de référence. Des ajustements seront toujours nécessaires.

Ainsi ces dispositifs sont-ils par essence inachevés, au sens où leur usage requiert une intervention active et raisonnée du bénéficiaire. L’efficience de ceux-ci est la résultante d’un processus d’intersubjectivation entre les acteurs qui, par négociations-médiations, permet de réduire l’écart entre ce qui est prévu et ce qui est perçu comme possible. Ce processus s’inscrit dans de multiples proximités, notamment spatiale, temporelle, sociale, cognitive. Il est forcément en mouvement constant, dans un processus d’adaptation permanent. Là se situe sa pertinence et sa réussite.

Distance et proximité paraissent être deux visions portées sur un même objet géographique qui spatialise l’action, visions spécifiques de situations dont l’une est portée par les concepteurs du dispositif et l’autre émanant des apprenants. Ainsi une nouvelle approche interactive se met en place qui requiert de la part des acteurs un accord préalable et constant pour son bon fonctionnement.

L’objectif est de comprendre comment ces différentes proximités sont engagées dans la réalisation du projet de formation et comment constituer, gérer cette forme organisationnelle interactive qui soutienne et contienne l’acte d’apprendre. Cela suppose de considérer la proximité, non pas comme la distance entre deux points, mais comme un espace au sein duquel les déplacements de configuration peuvent s’opérer pour rendre opérationnelle une programmation d’apprentissage. La proximité acquiert ainsi une dimension subjective qui définit la valeur donnée aux choses en acte.

Dans le domaine de l’apprentissage, cette notion de proximité rappelle l’importance donnée par des auteurs tels que Vygotsky et Bruner, au rapport à l’autre dans le processus d’élaboration des connaissances. Et des notions telles que la « zone proximale de développement », l’« interaction de tutelle », le « conflit socio-cognitif » expriment concrètement l’effet de voisinage dans un système de renaissance nécessaire de la part des sujets dans un projet de formation et de sa réalisation.

La notion de proximité apparait comme un attracteur étrange dans un monde globalisé dans lequel l’homme, grâce à l’usage de diverses technologies, s’évertue à s’affranchir. De fait, les technologies de l’information et de la communication bouleversent apparemment cette notion jusqu’à abolir les contraintes de la proximité physique par le biais des outils de communication synchrones et asynchrones.

Pour l’économiste Alain Rallet, la « proximité était ce à quoi on était condamné, c’est aujourd’hui ce qu’il faut mobiliser ». Là où traditionnellement, l’espace physique contraint l’action, maintenant, cette contenance s’inscrit toujours plus dans un ensemble de proximités : géographique, temporelle, sociale, cognitive… Cette notion correspond à une capacité d’agents qui la partagent et qui les conduit à se coordonner. Elle relève d’une proximité active car c’est par l’action des sujets que cet espace virtuel se construit au fur et à mesure.

Ainsi, la proximité organisée, soit la capacité qu’offre une organisation à faire interagir les acteurs du dispositif (formateurs et apprenants), rappelle la notion de « distance transactionnelle » développée par Michael G. Moore, spécialiste de l’éducation à distance, qui soutenait que la fréquence des interactions réduit la distance entre tuteurs et apprenants. Formulons ici le souhait que le digital, de plus en plus mis à contribution dans la formation, ouvre de plus larges espaces à l’avenir, sans pour autant nous entrainer vers un émiettement, une fragmentation des relations et des actions pédagogiques.

Aujourd’hui, nous avons pleinement conscience des vertus et des dangers que nous encourons si on ne tient pas sous contrôle ces nouvelles formes d’enseignement-apprentissage. La vigilance est de rigueur sous la responsabilité des institutions et des responsables de ce passage vers la mixité didactique en cours d’exploitation, sans qu’une profonde réflexion ait fourni des fondements solides, satisfaisants, et également des modalités de modifications constantes si nécessaire.

3. Spatialisation du plurilinguisme

Dans ce dernier volet, après avoir pris en considération la notion plurielle de « distance », en particulier dans le domaine de la didactique des langues, nous prenons acte que le rapport enseignement-recherche, ainsi que la formation des enseignants et des apprenants face à la didactique à distance, nous orientent assez naturellement d’un processus éducatif linguistico-culturel vers un plurilinguisme le plus souvent professionnel.

Il est banal de rappeler qu’un grand nombre des activités professionnelles accessibles suite à une formation plurilingue s’exercent dans le secteur des services, jusqu’à devoir constater que les langues, dans cette optique, deviennent elles-mêmes des produits. On voit bien combien de nos jours la compétence communicative dépasse les questions de citoyenneté, d’identité, pour s’accomplir de plus en plus dans les activités économiques. L’anthropologue-linguiste John J. Gumperz propose de passer de la notion de « capital linguistique » vers celle de « capital communicatif » : les transformations sociales de la vie urbaine comme de la vie professionnelle font, en effet, de la possession de cette forme de capital un enjeu et un atout majeurs du fait même de la densité des rencontres interculturelles et plurilingues qu’elles engendrent. Plus que lors des rencontres de la vie quotidienne, c’est dans les univers professionnels qu’est la plus requise la maitrise d’habiletés communicationnelles plurilingues. Ce qui est spécifique à notre époque contemporaine, c’est la transformation profonde et générale du contenu même du travail et, partant, le niveau des exigences en matière de compétences langagières, aussi bien orales qu’écrites. Certains parlent à ce propos d’un travail devenu « immatériel » (GORZ 2003), d’autres de la quasi disparition du travail matériel au profit d’un travail toujours plus «intellectuel » (BOUTET 2001). Josiane Boutet a théorisé ces nouveaux phénomènes en parlant de la « part langagière du travail ».

Désormais, plus personne ne conteste que la capacité communicative en plusieurs langues soit devenue un enjeu économique énorme, imbriquant pouvoir politique, pouvoir économique, identification. Les recherches, relativement anciennes, portant sur la/les langue(s), le pouvoir et l’identité, comme le courant de sociologie fondé par Joshua Fishman ou les travaux d’aménagement linguistique de Bernard Spolsky qui ont souvent tendance à penser leur rapport aux langues en termes plutôt politiques, vont dans cette direction. Pierre Bourdieu (2001), en France, en est l’interprète de référence, le plus influent. Les travaux issus de ces courants examinent la construction des idéologies des langues nationales, les rapports de force entre les langues, les mouvements de mobilisation des minorités linguistiques et les questions relatives au plurilinguisme, en cherchant surtout à voir comment les rapports de pouvoir se produisent ou se reproduisent dans l’interaction.

Actuellement, les transformations et les mutations rapides des univers du travail, en ce qu’elles impliquent toujours plus la reconnaissance, la valorisation et l’exploitation de la ressource « naturelle » qu’est le langage, construisent un paysage mondial dans lequel les langues, les répertoires verbaux, les compétences à communiquer deviennent des enjeux économiques. Monica Heller (2003) a profondément étudié ces processus qui amènent à repenser les discours reliant langue, culture, citoyenneté, et en particulier, elle s’attarde sur le modèle économique actuel et sur les langues commodifiées (ou marchandisées) qu’elle a classifiées de deux manières différentes : comme « compétence technique » – la connaissance de telle ou telle langue est conçue comme une connaissance marchandable sur un ou plusieurs marchés –, et comme « signe d’authenticité » – apportant une valeur ajoutée et une stratégie de distinction à des produits standardisés sur les marchés. Elle met en évidence qu’en une trentaine d’années, les conditions sous-tendant notre compréhension du bilinguisme, voire du plurilinguisme, ont radicalement changé : la diversité des populations qui entrent en contact, les rapports internationaux intenses, deviennent des problèmes à gérer et rendent difficile le maintien de la fiction de l’homogénéité dans un territoire national. Elle insiste sur le dépassement généralisé des marchés locaux et sur l’affirmation de la nouvelle économie mondialisée basée sur les services et l’information, ce qui entraine une augmentation des formes de travail basées sur la communication.

Cette nouvelle spatialisation du plurilinguisme dans nos sociétés contemporaines conduit à repenser les discours de légitimation et les modes de régulation dominants, notamment ceux reliant langue(s), culture(s), nation(s) et Etats. On s’oriente davantage vers le monde économique et ses liens transnationaux : le plurilinguisme devient plus accessible et surtout plus nécessaire, les compétences communicatives plus déterminantes. Ces changements constamment en cours transforment nos façons habituelles de gérer le plurilinguisme et ses liens avec l’identité individuelle et collective dans de nombreux domaines : celui de la citoyenneté et de l’immigration, de l’embauche, du type d’enseignement des langues, de la traduction et encore.

Où allons-nous ? Cette interrogation est fondamentale, non seulement pour comprendre le rôle que doit assumer le plurilinguisme, mais aussi, celui que joue dans nos sociétés la nouvelle économie, et ses conséquentes formes de pouvoir langagier (HELLER, BOUTET 2010). Les réponses que nous nous donnerons auront des retombées pour toute politique, programme ou mesure concernant le traitement pédagogique et didactique des langues et de la justice sociale, la valeur économique des compétences langagières, la régulation de l’accès aux ressources langagières.

Il apparait clairement que pour mieux saisir les enjeux du plurilinguisme dans le monde actuel, il faut repenser nos outils et nos cadres conceptuels. Il nous faut constater que la sociolinguistique, dont nous avons hérité un cadre théorique insistant sur les identités, risque de se révéler de moins en moins apte à comprendre la complexité et les mouvances qu’il nous faut décrire et mettre à contribution, et par conséquent, il faudra désormais ancrer la sociolinguistique dans l’économie politique et comprendre la langue comme un type différent de pratique sociale, comme un élément clé de la structure sociale.

Cette nouvelle approche s’inspire de l’anthropologie, elle s’éloigne des théories et des méthodes prenant pour objet des groupes et des discours fixes, afin de cerner les processus complexes et multiples qui caractérisent la nouvelle économie mondialisée. Elle préconise, comme outils méthodologiques de base, les concepts d’espaces discursifs, de trajectoires et de ressources, qui mettent en relation les pratiques et les discours langagiers des acteurs qui s’identifient dans les espaces de production, de circulation et de consommation. Là encore, différentes méthodes ethnographiques (observation, entretiens, analyse de textes) offrent des instruments utiles pour capter les données, les réseaux et la circulation des ressources dans ces nouveaux espaces. Le plus important dans cette démarche conceptuelle est qu’elle rend nécessaire un éloignement du « pris pour acquis » et s’oriente plutôt vers la prise en compte d’un ensemble de ressources symboliques compréhensibles, dans un cadre des idéologies légitimant les formes d’organisation sociale.

L’hypothèse exploratoire d’une « socio-didactique » des langues, développée aujourd’hui à partir de la diversité et de la complexité des situations d’enseignement-apprentissage, a progressivement conduit à rendre floues les frontières traditionnelles entre le français et les langues étrangères : la didactique des langues ne peut plus se développer en faisant abstraction des pratiques socio-économiques et des représentations des langues enseignées.

Christine Barré-de-Miniac (2000) écrit à ce propos : « On peut considérer que toute didactique doit traiter et intégrer ces aspects sociolinguistiques et anthropologiques. D’une certaine façon toute didactique est aussi socio-didactique ». De même, l’Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français, dans un de ses symposium avait défini la socio-didactique comme : « Une didactique articulée à la variété des contextes dans leurs aspects politiques, institutionnels, socio-culturels d’une part, mais aussi à la variété et la variation langagière, linguistique et sociale, interlectale d’autre part, et  pour laquelle socio-linguistique scolaire et didactique  du plurilinguisme sont deux champs qu’il est absolument nécessaire de convoquer concomitamment pour l’élaboration de politiques linguistiques et éducatives cohérentes » (AIRDF 2009).

Conclusion

En guise de conclusion, nous proposons un plaidoyer du plurilinguisme.

Un des plus anciens récits primordiaux a, on le sait, diffusé le mythe d’une intervention divine qui aurait instauré la multiplicité des langues, et de ce fait leur confusion et l’impossibilité, dès lors, de communication universelle.

D’un point de vue anecdotique, le linguiste moderne serait en droit de considérer les versets de la Genèse comme un récit étiologique, qui rend compte de la relation – souvent contestée – entre la densité d’une population et la dialectisation de son idiome. Dès lors, l’épisode de Babel, situé dans la perspective de nos problèmes de sédentarisation et de progrès technico-économique, n’aurait rien à voir avec les mythologies sur l’origine du langage.

Le message qui sous-tend l’anecdote est que l’histoire de Babel ne se réfère pas tant à la diversité des langues mais plutôt à la communication entre les hommes, fondement de leur existence sociale et de toute morale commune. Cette fable introduit une fonction linguistique nouvelle, celle de la communication réciproque collective. Dès lors, le langage devient apte à habiller nos langues, il permet à l’individu et au groupe de se déterminer réciproquement car dans son essence, le langage est dialogue, les autres fonctions dérivent de celui-ci. Ainsi s’intériorise la relation entre l’homme et le monde, de sorte que se construise une unité complexe triangulaire, dont chaque terme signifie par rapport aux deux autres. L’énigme se situe dans la pluralité des langues, leur diversité, la surdité réciproque qui les opposent.

Toutefois, au-delà de la Bible, de nombreuses traditions dans le monde témoignent que pour la plupart des cultures, la pluralité des langues est de fait une évidence. Dans une perspective plus moderne, on s’est interrogé sur le statut anthropologique d’une telle pluralité. Sans aucun doute, cette pluralité est considérée comme importante pour la survie de notre espèce, du fait qu’elle assure en même temps la multiplication, la délimitation et la solidité des groupes, les différenciations des inventions, bref, la richesse des cultures. Sur les quelques milliers de langues que l’on compte aujourd’hui, quelle que soit leur diffusion, chacune est porteuse d’une intelligence des choses du monde, irremplaçable instrument de pensée, d’analyse, de domination de l’environnement naturel et de configurations sociales qui y ont été élaborées, chacune riche de potentialités créatrices.

Dans l’actuel mouvement global dont nous sommes des otages plus que les bénéficiaires, on ressent des poussées unificatrices qui tendent à réprimer le vivant au profit du technique et de l’abstrait. Toutes les « grandes langues » d’aujourd’hui, et par contagion la plupart des « petites », voient croître de manière effrénée le vocabulaire artificiel, ces « ismes », « ation » ou « ité » du français, qui déterminent un écran de fumée sur la vacuité d’une pensée : des langages envahissants et trop souvent inutiles, porteurs de pseudo-savoirs.

Faisons l’hypothèse que le jour où l’information permettra de mathématiser toute communication, cette approche à la diversité risque sa raison d’être. Actuellement, la prolifération des langages scientifiques et techniques empêche ou du moins limite leur intégration. Ils coexistent, hétérogènes, sans possibilité de contact et ainsi, l’accord collectif devient un rêve inaccessible ou une source de malentendus. Les exemples sont nombreux où la fable de Babel se répète… Et fort heureusement, disons-le !

Cette autre forme de plurilinguisme, de type sectoriel, met en jeu les distances immenses entre les langages, outre que les langues, qui pourrait apparaitre comme décourageant pour la communication, mais fort heureusement, nous avons un antidote, la traduction, qui concerne intimement le babélisme de nos langues et de nos langages, qui réduit les distances sans les abolir et qui est et reste la clef de notre vivre ensemble, là où le plurilinguisme marque ses limites qui ne peuvent être infinies.

Dans un ouvrage tendu et émouvant, «Le monolinguisme de l’autre », Jacques Derrida (1996) s’interroge sur le statut d’appartenance à une langue, à un territoire, à une nation, à un peuple, à une identité. Il y énonce sa pensée sur la déconstruction que nous pouvons partager : « Si j’avais à risquer, Dieu m’en garde, une seule définition de déconstruction, brève, elliptique, économique comme un mot d’ordre, je dirai : plus d’une langue ». Dans un deuxième texte, « Mémoires pour Paul de Marr » (1988), il affirme que l’origine de ses souffrances dépend du fait qu’il ne possède qu’une seule langue, mais que cette langue n’est pas la sienne. Il poursuit en introduisant une vision antagoniste entre deux propositions qui ont valeur de loi : « on parle toujours une seule langue ; on ne parle jamais une seule langue ». La preuve doit être recherchée dans l’opposition entre la langue « maternelle » comme fiction identitaire et la langue étrangère. Pour Derrida, il faut parvenir à la coupe du cordon ombilical, pour naitre, vivre, sentir, penser et s’exposer ainsi à la division, au dialogue, conservant en mémoire l’unicité. L’auteur ajoute que dans chaque langue les effets du « métalangage » introduisent la traduction.  Ces effets « laissent trémule à l’horizon, visible et miraculeux, spectral mais infiniment désirable le mirage de l’autre ». Cette autre langue est la langue de l’autre, du fait que chacun, en parlant, porte en soi une voix immémoriale.

A partir d’une poésie de Holderlin, citée par Heidegger, ce dernier élabore la leçon suivante : « Nous – les humains – nous sommes un dialogue. L’être de l’homme a son fondement dans le langage ; mais celui-ci ne prend une réalité historiale authentique que dans le dialogue. Le dialogue, pourtant, n’est pas seulement une façon dont le langage s’accomplit, mais c’est comme dialogue uniquement que le langage est essentiel ».

Selon Derrida, Levinas pensait que « l’essence du langage est amitié et hospitalité ». La langue, ainsi conçue, n’est pas « nationalisée », n’est pas un délire identitaire, mais une invitation à distinguer dans le discours, entre la langue apprise au quotidien et la langue fruit d’un choix individuel, reflet, application et extension de la définition de Lavinas.

Notre conviction est que pour favoriser une cohésion sociale dans nos sociétés multilingues et multiculturelles, il est devenu indispensable de former les enseignants de langues aux enjeux et aux contenus d’une « éducation plurilingue » et de les accompagner dans le développement des compétences professionnelles susceptibles de favoriser chez leurs élèves la promotion des valeurs, les attitudes, les connaissances communes et partagées. Le plurilinguisme doit être considéré avant tout comme une valeur car « l’Europe a besoin de principes linguistiques communs davantage que de langues communes » (CONSEIL DE L’EUROPE 2003). Cela suppose de créer les conditions nécessaires à l’intégration par la mise en place de politiques linguistiques appropriées : en refusant la « langue unique », en participant à la construction d’une nouvelle citoyenneté forte des apports de la diversité des langues et des cultures. « Il faut accepter de se poser le problème de l’efficacité de l’enseignement des langues, non plus simplement en termes d’effets produits sur l’individu apprenant, mais bien en termes d’effets sur les sociétés qui s’exprimeraient en forme de développement du plurilinguisme linguistique et culturel » (LONDEI 2019).

Ainsi soit-il ! Longue vie au plurilinguisme, haut lieu des rapprochements distanciels, forum des voix multiples qu’il consent !

 

Bibliographie

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[1] Il existe un objet officiel de mesure, le mètre. Il nous semble qu’il a toujours existé, mais il n’en est pas vraiment ainsi. Le mètre existe depuis plus de deux siècles. Pour l’établir, il a fallu l’extraordinaire pulsion de la Révolution française à créer des systèmes uniques et universaux. Ainsi, la fascinante aventure des savants Delambre et Méchain, chargés par l’Académie de France de réaliser ce nouvel instrument, est devenue un roman-scientifique de Denis Guejd, Le Méridien. De même, dans un autre roman, Les cheveux de Bérénice, l’auteur narre l’aventure, voulue par Ptolémée III Evergète et réalisée par l’astronome-mathématicien et géographe Eratosthène, de la première mesure relativement exacte, de la circonférence de la terre.

[2] Ainsi, la dimension cachée, selon E.T. Hall, est celle de l’agir dans l’espace du territoire de tout être vivant, espace nécessaire à son équilibre. Chez l’homme, cette dimension devient culturelle et mesurable. Aujourd’hui, la perte partielle des spécificités identitaires-culturelles est observable dans de nombreux contextes. Toutefois, on pourrait se demander si notre constance à étudier l’interculturalité sous cet aspect de la proxémie, ne risque pas d’être un artefact, du fait de la mondialisation des échanges. Nous n’en sommes pas là, mais la menace d’une réduction de cette spécificité spatiale commence à se faire sentir.


Per citare questo articolo:

Danielle LONDEI, « La “distance” en mouvement et en mutation permanente. Repenser cette notion en didactique du plurilinguisme», Repères DoRiF, n. 27 – 2021 l’Odyssée des langues. La distance dans la dynamique des plurilinguismes, DoRiF Università, Roma, luglio 2023, https://www.dorif.it/reperes/danielle-londei-la-distance-en-mouvement-et-en-mutation-permanente-repenser-cette-notion-en-didactique-du-plurilinguisme/

ISSN 2281-3020

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