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Hélène DAVID

Faire l’école en prison. Quelles (re)compositions de l’expérience d’enseignement/apprentissage aux marges de la société ?

 


Résumé

Dans le présent article, l’autrice revient sur son expérience d’enseignement de français langue étrangère en milieu carcéral, au sein du système d’instruction des adultes en Italie. Elle propose une réflexion critique théorique et pratique ancrée dans un contexte d’exclusion et de grande fragilité, rendant nécessaire de repenser la relation pédagogique et l’action didactique quotidiennes. La connaissance et l’expérience de telles situations, à la marge des lieux d’enseignement-apprentissage du français langue étrangère, permet de mettre en lumière certaines stratégies et potentialités de l’éducation linguistique plurilingue dans la formation des adultes.

Abstract

In this article, the author reflects on her experience of teaching French as a foreign language in a prison environment, within the adult education system in Italy. She proposes a critical theoretical and practical reflection anchored in a context of exclusion and great fragility, making it necessary to rethink both daily pedagogical relationship and teaching practices. The knowledge and experience of such situations, on the fringes of the teaching-learning places of French as a foreign language, allows to highlight some strategies and potentialities of plurilingual language education in adult training.


 

Lorsque nous avons été conviée il y a quelques mois à partager nos réflexions autour du thème de la distance dans les dynamiques du plurilinguisme, cette distance dont la référence à l’Odyssée ouvrait les portes du voyage, mais aussi de la désorientation et de l’éloignement, de l’exclusion, il nous a semblé qu’était venu le moment de considérer, hors du temps de l’action, notre expérience d’enseignement en milieu carcéral. Une expérience qui s’inscrit dans un contexte particulier, avec lequel la distance ne s’exprime pas tant en termes géographiques, de distance physique, mais par la fracture, la mise à l’écart de la société qui caractérise l’existence même d’un établissement pénitentiaire. Le présent article revient donc sur cette expérience, au prisme de l’enseignement du FLE, puisque c’est dans ce cadre que nous sommes intervenue nous-même en tant qu’enseignante au sein d’un CPIA.

Nous situerons dans un premier temps le contexte général de l’instruction en milieu carcéral, pour ensuite distinguer quelques spécificités de l’expérience d’enseignement/apprentissage dans un établissement pénitentiaire. Enfin, nous préciserons la nature de l’enseignement du français langue étrangère dans ce cadre : quels horizons peut dessiner l’expérience d’enseignement/apprentissage, dans cet univers punitif et disciplinaire par excellence, de privation et de coercition ?

1.  L’école pour adultes en prison : une brève introduction

La découverte de l’école en prison se fait, dans notre cas, d’une manière assez inédite et imprévue : à la suite du concorso docenti 2016 et d’une affectation relativement à l’aveugle, nous sommes titularisée au sein de la section pénitentiaire, possibilité que nous n’avions pas considérée jusqu’alors. En Italie, ce sont les CPIA, Centri Provinciali per l’Istruzione degli Adulti (CPIA) qui assurent une grande partie  de l’instruction pour adultes au sein des prisons (voir plus loin).

Nos premiers pas sur le terrain marquent le début d’une connaissance empirique du milieu carcéral, avec l’accompagnement précieux des collègues enseignantes, mais aussi des personnes incarcérées, détentrices de savoirs d’expérience, souvent implicites, qui constituent l’expérience collective de la prison. Dans ce contexte, ce qui nous frappe avant tout c’est l’épreuve de la réclusion, car si la privation de liberté est l’essence même de la sanction pénale, c’est par l’enfermement et la mise à l’écart qu’elle se traduit de manière peut-être la plus éclatante, qu’on se l’imagine ou qu’on l’expérimente.

La prison fait partie de ces « institutions totales » théorisées par E. Goffman (1968)[1], c’est un « appareil disciplinaire exhaustif » selon M. Foucault (1975), dans la mesure où elle organise, régule, discipline tous les aspects de la vie des personnes recluses, et se caractérise par une coercition totale qui comprend une série de processus de désindividualisation. L’institution disciplinaire totale implique des phénomènes spécifiques, liés à la négociation permanente entre les effets dépersonnalisants de la discipline carcérale et l’affirmation individuelle et collective, au travers des relations qui tissent la vie sociale pénitentiaire. On doit à D. Clemmer (1940) une des premières théorisations sur la formation d’une sous-culture propre à la communauté carcérale et sur le processus d’acculturation, de prisonniérisation, qui caractérise la socialisation en contexte de détention. L’évolution des regards et de la compréhension des dynamiques carcérales a conduit à étendre la portée de ces phénomènes d’acculturation à l’ensemble des individus vivant quotidiennement la prison et y intervenant (Vianello, 2018), y compris donc les enseignants/es. Comme le rappellent A. Benucci et G.Grosso, les relations interpersonnelles et les interactions en milieu carcéral définissent une communauté de pratiques et donnent lieu à des formes spécifiques de socialisation langagière (Shieffelin, Ochs, 1986), dont nous avons été observatrice mais aussi participante en tant qu’enseignante.

Dans ce contexte, et pour la question qui nous intéresse, la « rééducation » est un terme essentiel, inscrit dans la Constitution italienne, à l’article 27 : « Le pene non possono consistere in trattamenti contrari al senso di umanita’ e devono tendere alla rieducazione del condannato. » En Italie, la stratégie de rééducation passe par « l’attività trattamentale », un ensemble de mesures visant à la rééducation et à la réinsertion de la personne condamnée, qui doivent être, selon les textes, individualisées et dont l’instruction est un des éléments principaux, avec le travail, la religion, les activités culturelles, récréatives et sportives[2]. La question de la rééducation est centrale, et ce à plusieurs titres. Selon M. Foucault, elle constitue dès le départ un des éléments du « double fondement » de « l’emprisonnement pénal », en tant qu’elle œuvre à la « transformation technique des individus », en corrélation avec la « privation de liberté » (1975, éd. 2016 : 270). La transformation de l’individu en détention a très tôt été considérée au prisme à la fois technique, positiviste, et de la rédemption morale. En Italie cette transformation passe à l’origine et pendant très longtemps par l’instruction religieuse : on parlera alors d’amendement, de repentir, de rédemption. Aujourd’hui le terme de « rééducation » est toujours interrogé (Cavana, 2020 ; Decembrotto, 2020), en ce qu’il traduit encore une vision plus correctrice qu’émancipatrice de l’action éducative[3]. D’ailleurs, une autre des interrogations que soulève la question de la « rééducation » est le paradoxe même qui se loge dans ce principe rééducatif, qui se propose comme une clé d’intervention essentielle pour le bien-être, la prise d’autonomie et la réalisation des individus en détention, dans un contexte disciplinaire exhaustif et omniscient, qui nie cette même possibilité de réalisation autonome individuelle (Ghidini, 2017).

Ces considérations posées, nous nous attacherons dès à présent à préciser le contexte spécifique au sein duquel nous avons enseigné. C’est la loi 354/1975 relative à l’ordinamento penitenziario qui instaure le cadre général de référence pour l’instruction en prison (art.19), suivant les modèles en vigueur dans le système « libre » (formation professionnelle, parcours d’école obligatoire, formation secondaire de second degré, formation universitaire). Les CPIA, instaurés à partir de l’année 2014-2015 à la suite d’une redéfinition[4] du système d’instruction pour adultes (DPR 263/2012 et Linee guida 2015), s’affirment comme les acteurs de référence pour la formation permanente, en lien étroit avec le territoire dans lequel ils inscrivent leur action. Ce sont des établissements de formation reconnus comme des établissements scolaires à plein titre, dotés d’autonomie, d’un dirigeant ainsi que d’une dotation en personnel propres et qui s’articulent en réseau sur le territoire. À ce titre, ils assurent la formation pour adultes qui se décline comme suit :

  • Percorsi di primo livello: le primo periodo vise à l’obtention du diplôme de premier cycle du second degré (licenza media) et le secondo periodo à l’obtention des compétences de base marquant la fin de l’obligation de l’instruction ;
  • Percorsi di alfabetizzazione e apprendimento della lingua italiana (AALI), pour l’obtention du niveau A2;
  • Percorsi di istruzione di secondo livello, qui s’appuient sur les instituts techniques et professionnels et les lycées artistiques assurant ces parcours.

La personnalisation des parcours de formation (« personnalizzazione del percorso di studio » (Porcaro, 2014 :19)) traduit, au sein des CPIA, l’idée de centration sur l’apprenant. Elle est liée, dans l’éducation des adultes, à la diversité des parcours de vie et des expériences d’apprentissage qui constituent le bagage du sujet en reprise de formation. Borri et al. (2019 : 37) rappellent que le système d’instruction introduit avec l’instauration des CPIA vise à promouvoir la flexibilité des parcours (lifelong learning), la valorisation des apprentissages dans tous les domaines, formel, non formel, informel (lifewide learning) et à assurer la continuité entre les différents niveaux d’instruction. Dans cette optique, la reconnaissance et la valorisation de l’ensemble des compétences de l’adulte apprenant sont des enjeux cruciaux, notamment les compétences linguistiques.

Les CPIA, qui répondent au ministère italien de l’Education, possèdent des antennes détachées, entre autres, au sein des établissements pénitentiaires, qui eux dépendent du ministère de la Justice. La présence et l’action de l’institution scolaire dans ce contexte est définie et encadrée en coordination par les deux ministères, par le biais d’un protocole d’entente renouvelable tous les trois ans.[5]

C’est dans ce contexte que nous avons enseigné le français pendant plusieurs années, au sein des parcours de primo livello primo periodo (dont la finalité est le diplôme de premier cycle), auprès des hommes et des femmes détenus de la Casa circondariale (maison d’arrêt) de Bologne.

 2.  Enseigner en prison : spécificités d’une pratique en marge

L’expérience d’enseignement en milieu carcéral commence par la rencontre avec un lieu, où chaque pas, chaque contrôle, chaque porte blindée va progressivement éloigner le visiteur du monde extérieur, et où, à force de tourner à gauche, à droite, tout droit, l’on perd, et c’est bien l’objectif, le sens de l’orientation. La prison désoriente, impossible de savoir où se trouvent le nord, le sud, l’est et l’ouest, à moins de réussir à refaire mentalement et à rebours le chemin qui nous a mené jusque dans son cœur. Cette expérience physique d’éloignement du monde et de désorientation fait écho à ce que P. Buffa nomme la logique de « l‘ultima stanza » (Camarlinghi, D’Angella, Buffa, 2010), la dernière chambre, une sorte de terminus, où aucune porte ne va s’ouvrir sur autre chose. Ces lieux emblématiques de l’incapacité des sociétés modernes à donner une réponse adéquate à la détresse sociale, que l’on délègue en dernier recours aux services publics essentiels en manque de moyens[6]. Au sein d’un établissement pénitentiaire, la métaphore de l’ultima stanza est révélatrice de la distance qui sépare le lieu de l’incarcération du reste de la société : on se retrouve éloigné, au banc, en marge, « invisibile ai più […] ai bordi della città e dello sguardo. » (idem, 2010 : 4) alors même que la prison se présente comme un microcosme concentrant le malaise et les problèmes qui sont au cœur même de cette société. Mais c’est aussi le lieu de l’hyperproximité, de la promiscuité, entre détenus, gardes pénitentiaires, qui vivent au quotidien la cohabitation forcée et rapprochée. La distance et la proximité, ce sont deux pôles qui vont marquer l’expérience de celui ou celle qui entre dans la prison.

Le milieu carcéral est aussi celui de la “super-diversité”, un concept emprunté au sociologue anglais S. Vertovec (2006) par A. Benucci et G. Grosso dans leurs travaux sur le plurilinguisme et les situations de contact de langues en prison en Italie (Benucci, 2017 ; Benucci & Grosso, 2015). Une super-diversité qui se caractérise par une intense pluralité linguistique, culturelle et biographique, combinée à l’hyperconcentration de la population carcérale et à la discipline coercitive qui régule la vie en communauté. Les études réalisées par Antonella Benucci et son équipe (projets DEPORT 2012-2015 et RiUscire 2014-2017) livrent des chiffres tout à fait éclairants à ce sujet : le projet DEPORT recense 63 langues parlées au sein des instituts pénitentiaires étudiés (Benucci, 2017b), et fait état d’un plurilinguisme à la fois endogène et exogène, tandis que le projet RiUscire dénombre 35 pays de provenance des personnes incarcérées (idem). Finalement, comme le souligne A. Benucci, cette super-diversité concentrée du milieu carcéral « emphatise les phénomènes de contact observables en contexte social « libre » » (Benucci, 2017 : 2)[7], les pratiques qu’on y recense sont plurilingues, flexibles, et les répertoires individuels constituent des ressources évolutives et fonctionnelles riches et complexes. La super-diversité s’accompagne d’une super-vulnérabilité, due à la fois aux conditions de détention et aux parcours biographiques des personnes détenues qui fréquentent notre école. Les apprenants constituent un public peu captif, qui va difficilement fréquenter de manière régulière et assidue, pour des raisons logistiques, d’organisation (la vie de la prison continue durant les heures de cours, on peut avoir un parloir avec des proches, avec l’avocat, une visite médicale etc.) et des raisons motivationnelles sur lesquelles nous reviendrons plus loin. Par ailleurs, on constate un turn-over important : difficile d’accorder le temps de l’école avec les temps de la justice et de la vie pénitentiaire. Une personne détenue peut sortir de prison en milieu de parcours, ou bien être transférée dans un autre établissement, d’autres peuvent être inscrites en cours d’année. Les différences de niveaux entre étudiants sont importantes et tiennent aux parcours de vie de chacun, extrêmement divers mais souvent marqués par la précarité et la déscolarisation précoce, ce qui en fait des profils fragilisés dans les processus d’apprentissage. Tous ont des besoins éducatifs spécifiques, et les manifestations des différents troubles de l’apprentissage ne sont pas rares.

À l’intérieur de la maison d’arrêt où nous avons enseigné, l’école a son espace dédié, des salles de classes traditionnelles: des tables, des chaises, un tableau noir, un tableau interactif, etc. Il n’y a pas de connexion Internet, mais dans ce domaine la situation varie d’un établissement à l’autre[8]. L’école dispense les fournitures essentielles (stylos, cahiers, etc.), ce qui a son importance, d’un point de vue matériel évidemment, mais aussi symbolique. Enfin, la didactique qui s’y opère est une didactique de l’instant. La programmation doit être flexible, ouverte et s’adapter aux apprenants, à leur expérience présente, comme l’explique ici A. La Fortuna (2020) :

 “Da un punto di vista didattico la nostra la chiamano didattica breve. Io direi una didattica fulminea. Quasi istantanea. Devi cogliere l’attimo. Negli anni ho messo da parte un sacco di schede, soprattutto di lingua. Se li trovo in una giornata buona, i ragazzi, corro a fare qualche fotocopia e via una scheda via l’altra. Oggi ci sono – domani? Oggi sono nervosi – domani? Oggi è arrivato un rinnovo della pena, domani, forse, una scarcerazione.” (2020 : 98)

L’adaptabilité et la proximité avec le vécu des détenus sont deux éléments qui font que l’école en prison assume des contours tout à fait spécifiques. L’école se dessine à la fois comme « une zone franche et un carrefour »[9] (Lizzola, 2017 : 28), un lieu tiers, qui échappe en partie aux logiques de pouvoir et aux mécaniques punitives coercitives de la prison, tout en prenant pied à l’intérieur même de l’institution disciplinaire. Au sein de l’école, se produisent des rencontres qui obéissent à des modalités relationnelles alternatives : l’écoute, le dialogue, la découverte des autres et de soi, à distance de la violence et de la fonctionnalité de survie qui régissent les rapports en section. Ce sont notamment la présence physique de l’école dans sa « matérialité effective » (Ghidini, 2017 : 122) d’une part, et l’affirmation de la relation pédagogique d’autre part, qui font la valeur de l’expérience pédagogique dans ce contexte.

L’école, dans l’espace concret des murs où elle s’installe, impose son rythme, ses pratiques, ses rituels. Elle occupe un espace propre, se l’approprie si nécessaire, par le matériel : des tables, des chaises, un tableau, une carte géographique au mur, autant d’éléments d’une représentation qui impose son existence. Ce lieu, construit aussi autour de symboles, renvoie les adultes aux expériences scolaires passées, entre souvenirs d’enfance et d’adolescence, diversité des cultures d’apprentissage et, parfois, sentiment d’insécurité. La salle de classe devient un espace tiers, qui déplace l’expérience de l’individu en détention et la replace dans un « cadre d’expérience » (Goffman, 1991) en décalage avec le cadre disciplinaire carcéral, avec lequel il s’articule de manière complexe. Dans cette optique, le temps constitue une dimension essentielle, structurant la vie pénitentiaire et la vie scolaire. Le temps de la peine, découpé en horaires imposés, qui s’étire, qui se vide de projection individuelle ; le (trop de) temps pour penser, ruminer… Et puis le temps de l’école : on y vient pour passer le temps, puis pour le reconstruire, se le réapproprier. La vie scolaire offre ainsi un nouvel emploi du temps, des horaires à respecter, des heures qui existent pour autre chose que l’inactivité.

De même, l’école permet de vivre des interactions qui se démarquent du contexte relationnel disciplinaire. L’enseignant/e y est une « figure tierce » (Lizzola, 2017 : 10), qui offre la possibilité d’une médiation entre l’extérieur et l’intérieur, entre le cadre scolaire et les étudiants, entre les étudiants eux-mêmes, avec qui il ou elle va constituer une communauté dissonante au sein de l’ordre carcéral :

« In classe si trova una nuova forma di relazione, non violenta, e questo spesso dà più distensione, a volte dà sperdimento. Altre volte ancora riemerge il vissuto reattivo della vita detentiva e promiscua. Una diversa relazione è possibile, non fondata sulla violenza e la difesa; fondata sull’ascolto reciproco, lo scambio aperto e pensoso, la condivisione di idee e ricerche.” (Lizzola, 2017: 67-68)

Considérer la relation pédagogique qui s’instaure c’est aussi se questionner sur l’empathie, dans un contexte où les histoires de vie précaires et les ruptures d’équilibre quotidiennes rendent nécessaire la gestion permanente d’un équilibre en classe, entre écoute, concentration, mouvement vers la discipline et retour à soi. Le rapport au savoir en est aussi bouleversé, dans le sens où il faut souvent rompre avec l’angle notionnel et disciplinaire, et trouver une approche en rapport avec le bagage biographique et les intérêts immédiats des étudiants. Une sorte de jeu incessant de recueil de la parole quelque peu désordonnée, chaotique, et d’assemblage/rassemblage du discours vers la communauté classe.

3.  L’enseignement du FLE en contexte d’apprentissage fragilisé

L’enseignement du français langue étrangère dans ce contexte, fortement fragilisé et fragilisant, relève de multiples problématiques et défis. La richesse des pratiques plurilingues en milieu carcéral n’a d’égale que la diversité et la complexité des manifestations des compétences linguistiques, métalinguistiques et de littératie qui vont constituer le bagage de chaque nouvel étudiant intégrant les cours. Or, considérant les dimensions neuropsychologiques et cognitives qui entrent en jeu dans l’apprentissage/acquisition des langues secondes (Daloisio, 2009 ; Narcy-Combes & Narcy-Combes, 2019), on constate rapidement que le milieu carcéral, aussi bien en termes d’environnement physique (les bruits, la luminosité, l’organisation spatiale) que d’interactions qui s’y déroulent, présente des caractéristiques qui vont freiner, voire empêcher l’activité d’apprentissage. Il n’est pas rare que les personnes incarcérées développent des symptômes physiques et psychosomatiques (altération des capacités visuelles par exemple) qui influent sur le fonctionnement sensoriel et physiologique et vont se révéler des obstacles à l’apprentissage. Par ailleurs, la réclusion agit sur la sphère affective et psycho-émotive (avec des formes de dépression, d’anxiété etc.)[10]. Enfin, la vie carcérale s’articule autour de besoins essentiels liés au travail, à la santé, aux perspectives de sortie : les personnes incarcérées donnent la priorité aux stratégies de survie et de réponse à ces besoins immédiats, ce qui, on le comprend aisément, laisse peu de disponibilité mentale pour les études. L’ensemble de ces facteurs aura des conséquences notables sur le fonctionnement neuropsychologique et l’activité psycholinguistique impliqués dans l’apprentissage. Les processus d’activation de l’attention et de concentration en sont rendus relativement précaires ; la motivation, intrinsèque et extrinsèque, reste fragile, sensible aux variations de l’humeur et aux événements qui influent sur la vie matérielle et psycho-émotive des détenus ; et l’on constate enfin des difficultés à activer la mémoire de travail et la mémoire à long terme.

Tout cela oblige à penser la didactique du FLE d’une manière spécifique, dans sa dimension andragogique (Knowles, 1990) et plurilingue, en contexte de vulnérabilité majeure, en tenant compte des objectifs d’apprentissage définis par le cadre normatif. Le français, en tant que « deuxième langue étrangère », est intégré aux parcours de primo livello primo periodo qui mène à l’obtention du diplôme de premier cycle du second degré. Dans notre contexte spécifique, l’absence d’un poste de titulaire pour la langue anglaise rend, de fait, le français unique langue étrangère enseignée dans le parcours d’études. Une présence et une place qui peuvent paraître insolites, à l’heure où l’on ne saurait contester la prédominance de l’anglais en tant que langue fonctionnelle pour la communication internationale, et qui présente un aspect motivationnel fort pour les étudiants. Ici, l’enseignement du français seule langue étrangère constitue certainement la trace d’une époque désormais révolue, où cette langue avait un poids majeur dans l’enseignement des langues étrangères en Italie.

D’un point de vue normatif et didactique, ce sont les Linee guida (DI 12/03/2015) qui fixent les objectifs et les finalités du parcours de primo livello primo periodo, en termes de résultats d’apprentissage (risultati di apprendimento), eux-mêmes déclinés en compétences, connaissances et habiletés. La huitième compétence concerne la « seconde langue communautaire », et s’insère dans l’asse dei linguaggi[11]. Elle est décrite comme suit :

“Comprendere e utilizzare una seconda lingua comunitaria in scambi di informazioni semplici e diretti su argomenti familiari e abituali.” (Allegato A.1[12])

Aussi en voulant faire le lien entre les indications normatives, le contexte et le public qui nous intéressent, il nous a fallu repenser notre pratique enseignante, rendue sous de multiples aspects une pratique en marge, pour lui donner du sens dans ce contexte si particulier, en misant notamment sur le développement d’une conscience langagière accrue, au-delà des aspects strictement linguistico-communicatifs. Cela nous a amenée à accorder une place prépondérante à l’approche comparative, entre langues voisines notamment, et entre pratiques langagières plurilingues ; à considérer comme essentielle la dimension interculturelle de la classe de FLE, en tant qu’espace privilégié de confrontation à l’altérité et à la xénité ; et enfin à favoriser l’apprentissage dans sa dimension hédonique et culturelle, en créant des expériences émotionnelles positives (en particulier par le biais de la musique), fondamentales pour réduire le stress et augmenter la motivation.

Considérant ce cadre d’intervention, l’action didactique se réalise en fonction des profils individuels, étant donné le rôle central de la personnalisation de l’apprentissage dans les parcours de formation des CPIA (Borri, Calzone, 2019). Chaque étudiant/e présente un répertoire langagier lié à son vécu biographique, souvent construit au fil d’expériences de migrations, un répertoire volontiers « segmenté » (Haque, 2012) constitutif d’une compétence plurilingue hétérogène, « tronquée » (Blommaert, 2010)[13]. Dans un système où la reconnaissance des compétences est une des clés d’un parcours de formation opérant, on comprend que la valorisation de ces répertoires plurilingues, labiles et échappant en grande partie aux tests et épreuves standardisés tels qu’ils sont conçus aujourd’hui, est un enjeu aussi essentiel que complexe. Dans ce contexte, et pour les adultes avec lesquels nous avons été amenée à travailler, le français occupe une place plus ou moins importante, langue d’un passé francophone pour certains adultes migrants, langue étrangère apprise à l’école pour d’autres venant d’Europe de l’Est, compétence oubliée ou cachée, un idiome associé à une culture chargée de représentations circulantes, autant de dimensions à prendre en compte dans l’apprentissage. La spécificité andragogique du parcours de formation nécessite de trouver un équilibre dans la relation enseignant/e-adultes apprenants, et, dans ce cadre, les biographies linguistiques de chacun et les rapports langagiers au monde, d’un point de vue même phénoménologique, peuvent être considérablement éloignés. C’est avec ces rapports singuliers qu’il faut composer pour trouver un horizon commun de construction des savoirs. Avec les adultes francophones rencontrés, c’est avec la question de la francophonité que s’est tissée cette relation : à notre propre francophonité perçue, rendue signifiante dans le regard de l’autre, répondait celle parfois affirmée, parfois hésitante, d’autres fois tue, par nous-même perçue et/ou imaginée, de nos interlocuteurs apprenants. Au carrefour des questions d’identité et de répertoires linguistiques, le parcours de formation en français devait se réaliser comme un espace propice à l’expression et à la valorisation des compétences en français, dans toutes leurs diversités.

Eu égard à l’hétérogénéité et la fragilité des profils, aussi bien en termes de disposition à l’apprentissage que de compétences générales en littératie, l’enseignant/e est amené/e à travailler au développement des compétences de compréhension écrite et orale, dans une perspective globale et interdisciplinaire, notamment de récupération de l’analphabétisme fonctionnel. Ainsi est-il fondamental d’adopter une approche transversale, au travers le développement de la conscience langagière et d’une réflexion métalinguistique sur les langues, leurs représentations, leurs usages etc. En ce qui concerne les méthodologies et les stratégies didactiques, la spécificité du public et des conditions d’enseignement/apprentissage nous ont amenée à privilégier une microdidactique (une didactique des petites notions, des petits pas) et, comme nous l’avons déjà évoqué, la didactique de l’instant. Cela se traduit, dans la pratique, par une programmation de type « microlearning » ou chaque unité d’apprentissage est divisée en modules courts et synthétiques, contenant un type d’input simple et essentiel aussi bien dans la forme que dans le fond, un noyau de connaissances se suffisant à lui-même et ne pouvant être décomposé à son tour. Chacun de ces modules peut être à la fois articulé à l’intérieur d’une programmation globale, ou utilisé de manière indépendante, ponctuellement et en fonction des apprenants présents et de leurs horizons d’attente plus ou moins immédiat. Ce type de planification didactique est particulièrement adapté au public adulte, dans la mesure où sa flexibilité et son adaptabilité répondent aux exigences de personnalisation, centrales en andragogie, et aux modalités de la formation à distance (FAD), comprises dans les parcours CPIA). L’enseignement/apprentissage de la langue étrangère se réalise en tenant compte des besoins spécifiques, d’où l’importance de l’approche multimodale aux contenus. Pour ce type de didactique, il est essentiel de trouver l’équilibre entre guidage de l’apprenant et progressive prise d’autonomie linguistique et d’encourager une réflexion métalinguistique de base. Aussi seront privilégiés la répétition de l’input, les activités se basant sur des mécanismes d’associations et de mise en relation, des approches accueillant la diversité linguistique, de type translanguaging (Garcìa, Wei, 2014), et favorisant l’activité de comparaison linguistique. La valorisation des connaissances et expériences de l’adulte est essentielle, ainsi que la construction d’un espace d’échanges où les difficultés et le sentiment d’insécurité que génère la reprise d’un parcours d’apprentissage sont encadrés et accueillis avec bienveillance.

L’enseignement du français langue étrangère dans ce contexte, compris dans la perspective globale et transversale de l’educazione linguistica (De Mauro, 1977) plurilingue, participe à la réappropriation du rapport à la xénité, dans un univers déshumanisant et de mise en marge, et l’on constate que les méthodologies du plurilinguisme sont des ressources pertinentes pour les publics les plus vulnérables[14], qui permettent la valorisation des répertoires individuels et de l’acquisition de nouvelles compétences.

4.  Double confinement, double peine. Le défi de l’école à distance

Pour finir, il nous faut revenir brièvement sur l’expérience de ces deux dernières années, au cours desquelles la distance entre le monde carcéral et la société civile s’est dramatiquement amplifiée, du fait du double confinement auquel les personnes détenues sont vues contraintes. Le 24 février 2020 toutes les écoles d’Emilie-Romagne ferment, dont l’antenne détachée du CPIA au sein de la maison d’arrêt. Les personnes incarcérées se retrouvent dans une situation d’isolement total. L’activité didactique est arrêtée, puisqu’il n’y a pas de connexion Internet dans l’enceinte de l’établissement pénitentiaire et qu’il est impossible de distribuer du matériel papier. En avril 2020, un groupe de volontaires[15] crée le projet Liberi Dentro-Eduradio, un  programme radio quotidien d’une demi-heure, transmis sur les ondes de la radio locale Radio Città Fujiko, afin de reprendre contact avec les détenus isolés au sein de la prison. Durant le premier confinement, le CPIA[16] a collaboré au programme par le biais de séquences didactiques d’une dizaine de minutes chaque jour, sur le principe d’un jour/une matière. Le vendredi étaient retransmises les séquences de français, pour lesquelles il a fallu adapter les objectifs et les contenus au medium radiophonique : proposer une thématique par semaine ; imaginer une classe à laquelle s’adresser, sans interactions ; et ainsi réaliser un monologue didactique bilingue alternant français et italien, pour lequel la didactisation passait par trois grands principes : une structuration précise du monologue, la répétition de l’input, et l’ouverture interculturelle.

Au-delà de la situation d’urgence, le projet a pérennisé, puisqu’il a su fédérer de nombreux acteurs en réseau au niveau local. Le bilan pour l’école reste mitigé : le projet a eu le mérite de faire vivre l’instruction, même durant les différentes périodes de confinement, et de faire connaître l’instruction en prison à l’extérieur. Mais la difficulté à atteindre les détenus et l’absence de feed-back renforce la conviction que dans une situation d’extrême précarité, avec un public en situation de grande vulnérabilité, la présence physique, ou, a minima, synchrone et visuelle, est indispensable.

Conclusion

L’école en milieu carcéral, malgré toutes les difficultés et les questions en suspens, reste une opportunité, un espace du possible pour la recomposition de l’expérience individuelle dans le contexte disciplinaire. C’est un lieu tiers, dont la présence physique à l’intérieur des murs assure un temps et un espace spécifique, avec ses rituels, ses éléments de représentation propres, en marge du fonctionnement disciplinaire. Elle offre un espace où expérimenter des modalités relationnelles alternatives aux dynamiques de pouvoir et souvent de violence du système carcéral, mais aussi à celles de parcours de vie souvent marqués par la déscolarisation, ou par des relations d’insécurité forte avec l’école.

L’expérience d’enseignement/apprentissage dans ce contexte spécifique permet par ailleurs de reconsidérer les modalités d’appropriation des savoirs, pour une prise d’autonomie majeure : la question de l’acquisition des compétences est cruciale, avec la nécessité, d’un côté, d’acquérir des compétences concrètes et utiles pour la réinsertion, et, de l’autre, celle de repenser le rapport à la dimension notionnelle du savoir. Cela implique d’envisager la discipline comme médiatrice pour la découverte de la connaissance, qui permet à la fois une prise de distance avec ses propres préjugés et représentations et une mise en relation avec le monde extérieur dont les personnes détenues sont coupées. C’est ce que peut offrir aussi une pratique en marge comme l’enseignement/apprentissage du Français Langue Etrangère, en offrant un espace inédit de découverte et de mise en étrangeté, où aussi bien l’enseignant/e que les apprenants/es peuvent remettre en question leurs habitudes et certitudes.

Dans cet univers de la prison où la réclusion vous met à distance de fait de la société et où toutes les marginalités et les vulnérabilités sociales se concentrent, comme autant de fractures, notre réflexion nous porte, d’une part, à considérer que, à l’époque de l’enseignement à distance, la présence physique de l’école au sein de l’enceinte carcérale est fondamentale, et, au-delà de l’école, des acteurs extérieurs à l’institution pénitentiaire. Il s’agit là d’une question de validité et qualité de l’instruction bien sûr, mais aussi une question politique et éthique. D’autre part, l’expérience plurilingue et pluriculturelle en contexte de super-concentration, d’hyperproximité impose de composer avec la distance qui sépare les vécus et les rapports au monde, pour élaborer un horizon commun de construction des savoirs et des compétences. Autant de questions et de défis que pose de manière exaspérée le milieu carcéral, mais auxquels doit répondre l’école dans son ensemble.

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[1] Le sociologue donne la définition suivante des institutions totales, sur la base des études qu’il a menées en hôpital psychiatrique : « un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus vivant dans les mêmes conditions et isolés du reste de la société pendant une période de temps considérable mènent ensemble un épisode de vie contraint et réglé » (1968 : 41).

[2] L. 26 luglio 1975, n°354 “Norme sull’ordinamento penitenziario e sulla esecuzione delle misure privative e limitative della libertà”, art. 13 e art. 15.

[3] Une vision critique que L. Decembrotto articule de la manière suivante: “[…] sebbene sia presente la volontà del legislatore di considerare una molteplicità di fattori e di contesti in grado di influenzare le scelte della persona e di condurla ad assumere comportamenti antisociali, questa impostazione si caratterizza ancora per essere correzionalista, sebbene secondo un’impostazione clinica (tramite l’osservazione scientifica della personalità) o medico-riabilitativo. Pur prevedendo la partecipazione volontaria del soggetto privato della libertà, la proposta a lui rivolta più che essere emancipativa, risulta di stampo correzionale o normalizzante: gli è chiesto di correggere la propria antisocialità e adeguare il proprio comportamento alle norme, rispondendo attraverso una logica premiale a tale “libera” adesione alla proposta.” (Decembrotto, 2020:44)

[4] Les CPIA remplacent les CTP (Centri territoriali permanenti), eux-mêmes instaurés en 1997.

[5] Protocollo di intesa tra il Ministero Istruzione e il Ministero della Giustizia Programma speciale per istruzione e la formazione negli istituti penitenziari e nei servizi minorili della giustizia

https://www.miur.gov.it/documents/20182/0/m_pi.AOOGABMI.ATTI+del+Ministro%28R%29.0000005.29-10-2020.pdf/6fac0267-1991-3cd0-1a3a-456805e2b9df?version=1.0&t=1616072380539

[6] “ […] chi ha il problema davanti a sé – gli ospedali come le carceri – non può non affrontarlo perché non è delegabile all’infinito. A un certo punto arriva all’ultima stanza e nell’ultima stanza bisogna farci i conti.” (Camarlinghi, D’Angella,Buffa, 2010 :10).

[7] TdA

[8] La crise sanitaire du Covid-19, ressentie de manière particulièrement exacerbée au sein des établissements pénitentiaires, a mis en lumière, entre autres, le fossé technologique dont souffre l’école en prison, ce dont ont pris acte les autorités dans le dernier protocole d’entente en date. Les articles 1, com. d) et 2, com. b) manifestent la volonté d’améliorer l’accès aux technologies de l’information et de la communication et leur utilisation didactique, pour le développement des compétences dans ce domaine.

[9] TdA

[10] Pour des approfondissements nous renvoyons à l’ouvrage de L. Baccaro (2003) et à J. Chamond et al. (2014).

[11] Les résultats d’apprentissage sont regroupés au sein d’axes culturels (assi culturali), dans une optique de transversalité de l’apprentissage, afin de dépasser une logique strictement disciplinaire. Ils sont au nombre de quatre : asse dei linguaggi, asse storico-sociale, asse matematico, asse scientifico-tecnologico.

[12] Il est précisé par ailleurs que cette description correspond, dans ses grandes lignes, au niveau A1 du CECR.

[13] Blommaert développe le concept de “truncated multilingualism” dans une optique fonctionnelle, qui n’est pas sans rappeler la compétence plurilingue et sa nature « déséquilibrée » et « partielle » (Coste et al., 2009). Il en donne la définition suivante : « I therefore propose a view of « truncated » multilingualism : repertoires composed of specialized but partially and unevenly developed resources. » (2010: 23).

[14] Voir notamment Benucci, 2021.

[15] Groupe mené notamment par Ignazio de Francesco et Caterina Bombarda.Voir De Francesco, I. (a cura di). Liberi Dentro. La comunicazione al/dal carcere nell’era del distanziamento sociale (2021).

[16] Le CPIA metropolitano di Bologna a par ailleurs conçu un programme télévisé, transmis sur l’antenne de télévision régionale Lepida TV, intitulé #nonèmaitroppotardi2020, afin de proposer des contenus didactiques durant la crise de l’épidémie Covid au printemps 2020.


Per citare questo articolo:

Hélène DAVID, « Faire l’école en prison. Quelles (re)compositions de l’expérience d’enseignement/apprentissage aux marges de la société ? », Repères DoRiF, n. 27 – 2021 l’Odyssée des langues. La distance dans la dynamique des plurilinguismes, DoRiF Università, Roma, luglio 2023, https://www.dorif.it/reperes/helene-david-faire-lecole-en-prison-quelles-recompositions-de-lexperience-denseignement-apprentissage-aux-marges-de-la-societe/

ISSN 2281-3020

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